J'apprécie de plus en plus le cinéma de Paul Thomas Anderson. Il m'a fallu du temps pour réaliser à quel point j'aimais son travail dans son ensemble, même si j'aime beaucoup chacun de ses films que j'ai vu (oui, même Inherent Vice que je trouve très intéressant dans l'approche "auteur" du stoner movie). J'avais vu à 2 reprises déjà les premières minutes de The Master, mais je n'étais jamais été plus loin, trop dérangé par ce que je voyais...
Car The Master est dérangeant. Il donne l'impression désagréable de se glisser en vous silencieusement, sournoisement, comme le personnage de Lancaster Dodd s'insinue petit à petit dans l'esprit de Freddie Quell. Ce dernier, interprêté par Joaquin Phoenix, joue un être inadapté, violent, frustré sexuellement et alcoolique (un prélude magnifique à son rôle de Joker, 7 ans après), par qui vient la gêne, dès les premières minutes, montrant la misère sexuelle dans laquelle les soldats patientant sur une île du Pacifique sont bloqués. Nous suivons les déambulations de ce personnage médiocre et détestable jusqu'à la rencontre avec le gourou Dodd, surnommé 'The Master', brillamment interprêté par Philip Seymour Hoffman.
Car si ce film est thématiquement et cinématographiquement remarquable, il m'a capté par les performances de ses deux comédiens principaux, étincelants. Ici, pas de rôle à Oscar, mais des gens, des vrais. J'ai été particulièrement scotché par cette scène de questions-réponses entre les deux, longues plusieurs longues minutes (entrecoupée, dans sa fin, par des flashbacks de la vie de Quell), décuplée par le talent immense de deux génies (et je pèse mes mots). Cette scène permet de définir les enjeux du film. Un gourou qui essaye d'agrandir son influence sur un personne instable, se plaçant en figure tutélaire et mystique voulant le guider vers la lumière, un misfist instable feignant de rentrer dans son jeu pour trouver une place dans un monde qui ne lui en offre aucune. Elle donne surtout un souffle supplémentaire à ce film.
Car The Master bénéficie d'un souffle unique. Le récit est complexe, comme les personnages, et si je suis sorti décontenancé de mon visionnage, ne comprenant pas trop ce que l'on a vu, ni de quoi ça parle, tant les sujets abordés sont pléthores. Plongé dans des années 50 loin d'être idylliques, le récit traite de la perte des repères d'une Amérique vainqueur de la Guerre, en passe d'imposer son idéologie au reste du monde (ou presque), mais qui se cherche encore en interne, dans un contexte de peur de l'atome et d'avancées scientifique. Car ce sont surtout les personnages qui se cherchent, et The Master dénonce les forces de l'endoctrinement et de l'influence qui fleurissent sur les racines de ces maux.
The Master (bizarrement "mal" noté dans la filmographie de PTA) est un film qui va continuer à grandir en moi petit à petit, et je pense qu'il deviendra un de mes films récents préférés.