Depuis L’Arme fatale, comme scénariste, puis avec son passage derrière la caméra avec Kiss Kiss Bang Bang, on le sait, Shane Black maîtrise la recette du buddy movie à la perfection. Il connaît tous les trucs et astuces pour mettre en place un duo attachant de protagonistes aux caractères contraires lancés dans une aventure improbable. Mais ce qui fascine justement chez ce réalisateur, c’est l’impression de facilité qui se dégage de sa mise en scène, jamais plombée par l’héritage dont il se réclame, jamais engluée dans une mélancolie démodée. Au cœur de chaque séquence, il y a une trouvaille burlesque, une information dissimulée à l’arrière-plan, un petit pas de côté qui empêche la sensation de déjà-vu. Toute la puissance comique de The Nice Guys se situe dans cette recherche permanente du décalage. Un tel parti-pris est jouissif pour le spectateur qui se trouve sans cesse sollicité par un film mené tambour battant...
The Nice Guys nous renvoie à un pan du cinéma de divertissement d’avant le PG-13 et toute forme d’inquiétude liée au politiquement correct. Le temps où les héros pouvaient boire, fumer, tuer et baiser à l’écran, sans que les exécutifs de studio ne s’inquiètent. Le temps où un personnage pouvait commettre des erreurs, mal agir et se montrer immoral. Comprenez donc que chez Shane Black, quand on se bastonne, on pète des bras, quand on tire, les cervelles repeignent les murs, et quand les starlettes se déshabillent, la caméra ne se détourne pas pudiquement...
On rit pas mal pendant le film grâce au talent inné de Black pour les punchlines et l'alchimie explosive entre Crowe et Gosling. Mais c'est avant tout cette sincère tendresse pour ses héros bras cassés qui fait le prix de la farce. Réinterprétation du buddy movie tel qu'il l'a lui-même conçu, The Nice Guys voue par ailleurs un culte fasciné à l'iconographie californienne des seventies : le X et ses soirées too much, les tubes disco, les pépées sexy et pubs d'époque, on se croirait dans le Boogie Nights de P.T. Anderson. Cette detective story transpire la nostalgie d'une Amérique moins propre sur elle, plus dangereuse, haute en couleur et réjouissante à observer...
Quant à Ryan Gosling, jamais l'acteur n’avait à ce point assumé son côté tête à claque. Dans ce rôle de détective privé alcoolique looser ultime, Gosling explose littéralement, tord son image et s’en moque avec un plaisir communicatif. Le résultat est un régal, parfois hallucinant, lors de séquence où l’acteur parvient à éclipser Russell Crowe déjà très charismatique en gentille brute qui a troqué la bibine pour les patates. A noter qu’il serait long ici de lister toutes les références glissées dans The Nice Guys, mais la plus intéressante est probablement cet emprunt, qu’il soit volontaire ou non, à Inspecteur Gadget : jamais le personnage de Gosling ne résoudra une affaire sans l’aide de sa fille Holly, possible transposition du personnage de Sophie du dessin animé original !!!