J’ai une objection sérieuse sur ce film, une objection de fond, d’ordre quasi logique et psychologique. Pourquoi les infectés ne s’attaquent-ils pas entre eux ? Et surtout, comment est-il possible qu'ils parviennent à coopérer pour faire subir des sévices aux gens sains ? Je ne comprends pas. Il y a quelque chose de profondément incohérent là-dedans, une incohérence qui me gêne, qui offusque ma faculté de compréhension du monde et des choses. Je sais qu’il y a une réponse dans le film à la fin, donnée par le médecin en combinaison mais je l’ai trouvée peu convaincante et artificielle.
L’idée d’un virus qui transforme les gens en psychopathes et en pervers sexuels est bonne, quoique peut originale, mais elle perd beaucoup de sa force du seul fait que ces pseudo zombies s’entendent pour martyriser d’autres gens. Les notions mêmes d’entente, d’entraide, de coopération ne peuvent pas avoir le moindre sens pour des êtres qui ont manifestement perdu toute raison, tout sens de la mesure et de la morale. Il faut encore un minimum de discernement pour pouvoir s’accorder avec autrui pour mener à bien la moindre action. Il faut avoir conservé une petite part d'humanité. On peut tout à fait imaginer une bande de voyous ou de malfrats mais pas vraiment une « bande » de psychopathes. La psychopathie est le plus souvent solitaire, elle est toute tournée vers elle-même. Imbue d’elle-même, narcissique, elle ne s’encombre pas de la présence de l’autre. Qu’on ne me parle pas d’Orange mécanique, qui n’est pas une objection à mon propos mais une confirmation : la bande des droogies de Burgess et Kubrick est bien une bande de psychopathes ultra-violents mais, justement, que voit le spectateur médusé ? Non seulement ils agressent les autres mais ils finissent aussi par retourner cette violence contre eux-mêmes. La scène où Alex tabasse ses acolytes, fait semblant d’aider l’un d’eux à sortir du fleuve dans lequel il l’a jeté et lui tranche cruellement la main en est un exemple éloquent. Le vrai sadique n'aide pas. Le fou complet ne coopère pas. Ou seulement temporairement. Il doit tout sacrifier sur l'autel de son plaisir malsain. (objection à ma propre réflexion, et de taille : La Philosophie dans le boudoir. Les libertins autour de Dolmancé "coopèrent" dans leurs débauches... A développer une autre fois).
Voilà où je voulais en venir : pour montrer la virulence du virus il aurait fallu que les infectés en viennent aussi à s’attaquer entre eux, à défaut de pouvoir trouver une personne saine. Il aurait fallu que le réalisateur nous montre des êtres rendus complètement aveugles par une soif irrépressible de sexe et de souffrance, une soif qui se rapporterait à n'importe quel objet à portée de la main. Il aurait fallu en somme que cet histrion de Rob Jabbaz nous montre des êtres qui n'ont plus, comme je l'indiquais plus haut, une once d'humanité. Éventuellement il aurait aussi été possible de montrer des situations où ces deux tendances entrent en conflit (exemple : un infecté veut une relation sexuelle avec une victime tandis qu’un autre veut la pendre à un réverbère, ils s’affrontent, le premier l’emporte et se met aussitôt à entreprendre le cadavre du vaincu, oubliant la victime première…). Cela aurait pu donner lieu à des visions intéressantes. On a un fugace aperçu de cela au début, avec la vieille femme infectée dans le restaurant qui se fait écraser brutalement par un autre infecté qui éclate de rire au volant de sa voiture. C’est l’apogée du film. Malheureusement il ne s’est écoulé que dix minutes, après il n’y a plus rien, si ce n'est une mauvaise, une ennuyeuse surenchère de gore sans intérêt, vue et revue. On voit que ce film essaie très fort d’être choquant mais il n’y parvient pas. C’est poussif. Ce ne sont pas des hectolitres de sang et de timides orgies sexuelles qui vont émoustiller le spectateur à la rétine blasée. On voyait déjà cela, en mieux, dans les anime japonais des années 90, type Urotsukidoji. Bref, ce film porte bien son nom, il ne suscite qu’une certaine tristesse, une déception sans conséquence…