The Stuff
5.6
The Stuff

Film de Larry Cohen (1985)

Il faut bien l'avouer, Larry Cohen n'a jamais été à court d'idées géniales. Dans Le Monstre Est Vivant, un bébé monstrueux qui a subi une mutation suite à la négligence d'un pharmacien, incarne l'enfantement cauchemardesque par excellence. Dans Meurtres Sous Contrôle, un messie hermaphrodite sème le chaos à New York. Dans Épouvante Sur New York, avec déjà Michael Moriarty, le dieu aztèque Quetzalcóatl réside dans un building à Manhattan. Nous sommes ici en 1985 et même les scénarios les plus loufoques, voire les moins réussis, de Cohen contiennent des allégories intéressantes. De plus, le cinéaste aime passionnément les monstres. Des aliens de la célèbre série Les Envahisseurs à L'Ambulance sortie de nulle part, il n'aura jamais cessé de représenter les dangers de la société sous forme de métaphores aussi pertinentes que subversives.

Avec The Stuff, le monstre est la société de consommation. Ou plus exactement un produit de grande consommation illustré par une entité inconnue que découvre un mineur, qui, séduit par son goût, le commercialise. Matraquage publicitaire à l'appui, le Stuff débarque dans les magasins américains et séduit si fort les consommateurs que le lobby de l'industrie laitière, inquiet des pertes du marché, se paie les services d'un ancien agent du FBI. Sa mission : enquêter sur l'opaque société derrière le produit, dont les nuisances dépassent de loin les vertus.

Dans un style proche du polar d'investigation, Cohen déroule stoïquement un récit déjanté, qu'il n'abandonne que dans la dernière demi-heure pour un délire en roue libre. Et si l'on pense forcément à Danger Immédiat, réalisé en 1958, avec son Blob extraterrestre qui déferle sur une petite ville américaine, la satire subversive imposée par Cohen séduit de par sa dénonciation anticonformiste en s'attaquant à toutes les icônes de la société de consommation, à la pub, aux médias et même aux consommateurs dont il stigmatise la fièvre acheteuse avec une férocité qui l'honore. Et c'est justement cette stigmatisation qui ne va pas passer auprès du public invité aux projections-tests de l'époque. Car on le sait, les Américains détestent voir leur reflet le plus obscur dans un miroir.

À l'insu de Cohen, le film se voit remonté par ses distributeurs et charcuté de scènes jugées importantes par son réalisateur. Restructuré avec les pieds, The Stuff conserve néanmoins son potentiel dénonciateur tout en exacerbant les nombreux défauts d'un film qui a échappé des mains de son créateur en se métamorphosant en une suite de sketches qui n'a, souvent, ni queue ni tête au sein de sa construction narrative. Une carence et un manque de cohérence qui défigurent une œuvre qui aurait pu être passionnante. Une véritable leçon de mutilation envers un sujet très prometteur qui mériterait un remake encore plus subversif face à la monstrueuse folie consommatrice de notre époque ultralibérale. Car le plus effroyable et destructeur des monstres contemporains reste bel et bien cette folie-là. Et Larry Cohen l'avait bien compris.

candygirl_
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Mes films / BD & DVD et Films visionnés en 2023

Créée

le 4 août 2023

Modifiée

le 26 nov. 2024

Critique lue 58 fois

6 j'aime

candygirl_

Écrit par

Critique lue 58 fois

6

D'autres avis sur The Stuff

The Stuff
el-thedeath
6

Lettre de réclamation

El-thedeath 42 Boulevard SensCritique 21/04/2014 Madame, Monsieur, J’ai acheté un yaourt de votre entreprise. Il s’agissait du modèle Stuff. Celui-ci m'a déjà étonné en bougeant tout seul dans le...

le 21 avr. 2014

12 j'aime

The Stuff
oso
5

Gaffe à ton larynx

Il y a des intentions très louables derrière The stuff, celle notamment de rendre hommage à tout un pan du cinéma fantastique paranoïaque à base d’invasion extra-terrestre, de fin de l’humanité et...

Par

le 18 oct. 2014

8 j'aime

The Stuff
iGore
7

Critique de The Stuff par iGore

Des industriels chargent Moe Rutherford d'enquêter sur un produit alimentaire qui fait fureur dans les familles américaines : le "Stuff", une substance blanchâtre dont ses fabricants refusent de...

le 8 févr. 2012

7 j'aime

Du même critique

Voleuses
candygirl_
5

French Cat's Eye

Adaptation filmique de la BD franco-belge La Grande Odalisque, elle-même très inspirée par le manga Cat's Eye, Voleuses est un divertissement made in France qui vise essentiellement le grand public...

le 1 nov. 2023

29 j'aime

2

Rue Barbare
candygirl_
7

Y'a peut-être un ailleurs...

J'avoue ne pas comprendre le principal reproche fait à Rue Barbare. "Ça a vieilli" peut-on lire de-ci de-là. Bah oui, normal, le film fêtant ses 40 ans cette année, il n'est plus tout jeune...Au-delà...

le 21 sept. 2024

10 j'aime

7

Pauvres Créatures
candygirl_
8

Furious jumping ♡

En prenant à bras le corps le sujet tout autant féministe que philosophique de Pauvres Créatures, Yórgos Lánthimos aurait pu sombrer dans l'apologie stéréotypée de la féminité. Sauf que le cinéaste...

le 20 janv. 2024

10 j'aime

8