Quel intérêt ? Ce fut ma première interrogation. On a compris que Fargeat avait vu du cinéma, qu'il s'agisse de Stuart Gordon, Brian Yuzna, David Lynch ou Hitchcock. Elle n'en a malheureusement tiré que les traits apparents, pas leur signification. Ce gloubi-boulga de références s'inscrit dans une farce sursignifiante, 《 regarde mon symbole et ma dénonciation 》, qui finit par ne plus signifier. Il y a une overdose visuelle qui crée le dégoût devant the Substance, mais pas pour ses images gore (on a vu pire !) aux quelques effets spéciaux très réussis, plutôt par ce rythme au courant alternatif qui ne laisse rien reposer le temps de plusieurs secondes.


C'est tout à fait dommage dans la mesure où la règle majeure qu'elle pose, soit les sept jours avant de changer de corps, ne se ressent jamais à l'écran. Le découpage clipesque est à l'image du symbolisme envahissant, donnant la nausée, et le manque d'équilibrage entre l'humour et le drame. Les idées graphiques sont pourtant là, avec une composition de plans intéressante. Mais un film se juge dans son ensemble, sa cohérence par le découpage et le montage. The Substance n'en a quasiment aucune, y compris sur la dualité entre les deux corps, qui, s'ils ne font qu'un, semblent être déconnectés l'un de l'autre en permanence. Aucun questionnement de la condition humaine, et un propos philosophique peu exploité : encore plus exaspérant quand les règles sont rappelées toutes les vingt minutes par une voix-off sortie de l'espace.


Les mêmes tares se retrouvent dans son court-métrage original "Reality+", ici étiré sur plus de deux heures. Il en reste une incarnation assez juste de Demi Moore et Margaret Qualley, interprétant malheureusement des coquilles vides même pas intéressantes. Fargeat se plaît tellement à détester le corps, bien qu'elle singe (les plans fesses) ce qu'elle dénonce (le male gaze et la fascination maladive du corps), qu'elle en délaisse toute écriture de personnages ramenés à des caricatures unidimensionnelles. Le détour tragique du récit tente de créer une empathie sur la condition du monstre, un bref instant, dans une emphase insupportable. Carrie, Elephant Man, Vertigo dans la dernière partie, c'est bien beau tout ça mais ça ne rattrape pas la faiblesse d'écriture. D'où l'impression d'assister à un enchaînement de scènes sans lien logique, existant pour poursuivre un schéma programmatique efficace et adolescent.


La créatrice n'aime pas son monstre, ni les femmes qu'elle filme. Le constat que l'on en tire, puisqu'il n'y a pas le moindre début d'angle psychologique sur leur condition. Il nous est simplement donné d'assister à la souffrance endurée, alors que le désir de vengeance (absurde ?) se renouvelle en permanence. C'est bien triste, d'autant plus quand ça convoque l'image d'Elephant Man, qui agit avec raison contre une société du spectacle... sauf que Lynch a la décence de ne pas franchir le pas du voyeurisme permanent. Au fond, c'est bien la vulgarité du corps qui intéresse Fargeat, mais pas ce qu'elle dit du personnage ni du système.


Des bouts de ficelle rafistolés entre eux pour susciter un enjeu, en guise de scénario. L'univers pop a le mérite d'avoir un peu de cachet par contre. On ne saura jamais le contexte de création de la substance, mais après tout, on ne sait déjà plus rien de ces mortels qui ne forment qu'un groupe de crétins sans raison(s). Une satire assumée, et pas très intéressante : humour flingué, supplément copie du bon élève qui n'a pas compris celles des grands maîtres. Dommage.


Sinon, puisque ça parle substitution ou remplacement du corps, autant revoir d'autres propositions comme "Opération diabolique" ou "Le Visage d'un autre", autrement plus intéressantes. C'est moins attrayant à l'œil, pas putassier, et plus humaniste dans son discours.


William-Carlier
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le 16 oct. 2024

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William Carlier

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