On ne fait pas de Margaret sans casser Demi

L’introduction ne ment pas sur la marchandise : entre la caricature/farce avec sa scène très réussie du Hollywood Walk of Fame et les références assumées au genre horrifique/fantastique avec son couloir et ses toilettes tout droits sortis de « Shining ».


S’ensuit une satire méta sur l’industrie du spectacle efficace et plutôt bien vue malgré quelques effets grossiers : tout ce qui tourne autour de Dennis Quaid et son interprétation outrancière ou bien les effets de mise en scène caricaturant le « male gaze » lors des clips de fitness de Margaret Qualley. Par contre le regard porté sur l’actrice vieillissante et has been est criant de vérité grâce au choix génial de Demi Moore dont l’image et les qualités d’actrice auront rarement été aussi bien exploités. L’actrice se révèle très courageuse en se mettant à nue aussi bien au sens propre que figuré et en opposant son image à celle de la nouvelle garde incarnée avec tout autant d’audace et de conviction par Margaret Qualley.


Lorsque le long-métrage bascule petit à petit dans le fantastique puis dans l’horreur, le plaisir de jouer avec le genre et ses codes par Coralie Fargeat est communicatif malgré une somme de références qui cadenasse parfois la réalisatrice en l’empêchant de trouver sa propre voix et d’atteindre ainsi le niveau de ses illustres modèles : derrière cette relecture moderne et déjantée du « Portrait de Dorian Gray» ou de « Frankenstein », côté cinéma on pense évidemment à l’incontournable Cronenberg (« La mouche » quasiment cité directement dans certaines scènes) mais aussi à « Requiem for a dream » (les effets de mise en scène de shoot), à « Carrie » (la scène du Nouvel An) ou bien à « The Thing »/ « Tetsuo »

avec la créature ElizaSue épatante visuellement avec ses effets de maquillage en « dur » .

La générosité et la sincérité de la réalisatrice sont réelles avec le curseur du grotesque poussé à son maximum en faisant autant une force (la dernière demi-heure est jubilatoire) qu’une faiblesse (la vision simpliste des hommes et du patriarcat comme évoqué précédemment).


Dans l’ensemble, le résultat et l’effet recherché fonctionnent : on est partagé entre dégoût, fascination et amusement (plusieurs moments volontairement drôles/ridicules attestant qu’il ne faut pas prendre l’œuvre trop au sérieux). Mais dans le genre et sur des thématiques similaires, « Neon Demon » pour sa plastique et la fascination qu’il s’en dégage ou bien « Carrie » pour son émotion sont nettement plus marquants. Ici nous sommes plus proche d’une montagne russe cinématographique pas forcément toujours très subtile mais diablement efficace et divertissante.


Doof-Warrior
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le 21 nov. 2024

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