Pour la deuxième fois en l’espace de quatre ans, le Festival De Cannes décerne une récompense à un film de genre subversif et radical dans sa proposition, qui plus est réalisé par une femme et traitant de leur rapport au corps. Comme Titane avant lui (Palme d’Or 2021), The Substance (Palme du meilleur scénario, 2024), est une proposition trash et sans concession de la part d’une réalisatrice spécialisée dans le cinéma de genre.


Coralie Fargeat aborde ici le sujet de la difficulté à accepter de la vieillir dans une société d’apparence, et d’autant plus quand il s’agit du monde du show-business… Elizabeth Sparkle (Demi Moore), gloire du cinéma d’antan est jugée trop vieille (50 ans !!) et se fait mettre au placard. Dans un pacte faustien, non sans rappeler un Portrait de Dorian Gray très macabre, elle accepte de s’injecter « La Substance », un produit capable de créer une version plus jeune d’elle-même. Toutefois à la différence du roman d’Oscar Wilde, ici la relation est bilatérale, chacune des deux versions a besoin de l’autre pour exister, s’échangeant l’utilisation du corps chaque semaine, pendant que l’une se recharge, l’autre peut l’utiliser. Toutefois, Elizabeth reste « la matrice » et peut choisir de stopper l’expérience à n’importe quel moment. Car, comme dans le livre de Wilde cette fois-ci, si le jeune alter ego d’Elizabeth : Sue (Margaret Qualley) décide de l’utiliser plus que la durée réglementaire de 7 jours, des dommages apparaitront sur le corps de la propriétaire originelle…


Ainsi pendant qu’Elizabeth déprime durant sa semaine, Sue s’éclate et vit une nouvelle jeunesse en prenant la place laissée vacante à la TV par la mise en retraite de sa génitrice. Ces séquences sont l’occasion pour Fargeat d’asseoir l’angle critique féministe du film en portrayant un Producteur lubrique obsédé par l’audimat et en utilisant des angles de caméras tellement remplis de male gaze qu’ils en deviennent grotesques.


Le film alterne alors tout le long entre une véritable horreur viscérale qui ne lui fait pas démériter sa classification « Epouvante-Horreur », tout en poussant la surenchère parfois tellement loin dans une espèce d’Evil Dead grand-guignolesque sous stéroïde. L’appréciation dans la justesse à jouer avec cette fine ligne restera finalement subjective, pour ma part, malgré tous les rires dans la salle, j’étais tellement happé par le crescendo de tension et de modification corporelle tout au long du film, que même le dernier tiers m’a semblait tout aussi horrible.

Cette descente dans l’horreur est aussi grandement permise par la dérangeante Bande Originale de Raffertie. Alternant entre des boucles électro lancinantes genre dark/industrial techno, venant appuyer les scènes montrées en boucles à l’excès pendant les 2h20 du film ; et un gimmick sonore saturé amorçant toutes les mentions de « LA SUBSTANCE ». Ajoutez à cela un travail minutieux sur le sound design, tous les bruits de bouches, des objets rentrant, sortant du corps, tous les impacts, … N’importe quel acte de mastication semble vous être susurré au creux de l’oreille dans la pénombre de la salle de cinéma.


En ressort alors une véritable expérience de cinéma, intégrale. Le scénario bien sûr déjà, récompensé à Cannes, ne démérite pas, mais aussi le son, la musique, les acteurs, et notamment les deux actrices principales qui portent au final le film à elles toutes seules, tant leurs interactions avec le reste du monde sont assez faibles. Définitivement pas un film que je recommanderai à mettre entre toutes les mains, mais si vous avez envie de vivre la rencontre Ari Aster X David Cronenberg X Sam Raimi, c’est maintenant !


Kiu_kiu
8
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le 11 nov. 2024

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Coco l'asticot

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