Des poutres de subtilité qui tombent du ciel

Bon je ressors de the substance, alors je compte livrer un avis à chaud du prix du scénario du festival de cannes 2024. J’ai cru comprendre que le film était unaniment apprécié et là où cela me désole c’est parce qu’il a aussi été apprécié chez des gens que pourtant j’estime. Peut-être suis-je un con renfermé ou peut être suis-je vieux, je ne sais pas. En tout cas je vais dezingué le film. 


Tout d’abord, je pense que le plus judicieux serait de parler de la mise en scène, très criarde, et pourquoi ? Parce que le film est une œuvre purement et simplement kubrickienne, on pourrait même dire shainningienne tant le film a pour ambition une horreur qui se fait ressentir perfectionnée car perfectionniste. Là où un film se doit de laisser immerger le réel pour laisser le spectateur se délecter en autonomie de sa jouissance, un film d’horreur lui doit le faire à une étape supérieure. Il se doit de garder des attraits réalistes (principalement sur le début) pour laisser immerger un fantastique horrifique qui laisserait croire à une déformation du réel. Le problème est que le film ne veut pas s’appuyer sur la rationalité présente chez chacun, qui elle permet de produire une peur personnelle et légitime. Ici on ne permet pas cela principalement par deux faiblesses bien esquissées. La première donc, c’est bel et bien la mise en scène, qui se fait sur un mode comme je l’ai dis propre à Kubrick, qui donc ne me convainc pas du tout tant je n’aime pas l’obstination perfectionniste de Kubrick à vouloir souligner et démontrer plutôt que suggérer. Ici c’est pareil et c’est tout le temps comme ça, on distord la réalité au travers de courte focale, de travelling (latéraux ou steadi)…. Je pense que le plus tape à l’œil, se met en place lors de la scène de déjeuner du début de film, où l’on film en gros plan le personnage d’agent en train de manger comme un porc pour bien dire: vous avez vu il mange comme un porc. Honnêtement personne ne mange comme cela. C’est uniquement un fait qui est légitime d’être démontré pour plein de raisons dont la principale que la mise en scène veut mettre en œuvre, mais là en l’occurrence ça rend la chose bête et manichéenne. Surtout que pas besoin de tout ces effets, seulement si on posait la caméra en plan fixe là où il faut et que l’on montrait un acteur qui naturellement mangerait telle un porc. Avec ses traits naturels, sans un acteur cabotin qui éviterait de catégoriser, des personnages d’une réalité dans laquelle on ne se reconnaît à aucun moment mais qui est visiblement peu nuancé. 


D’ailleurs c’est bien là que va se poser mon second reproche, nous ne sommes implantés jamais dans aucune réalité. Une des grosses faiblesses du scénario est cela puisqu’elle affecte l’horreur directement. Le film se dédouane de toutes réalités sociales ou du moins sociétales, ce qui crée une incapacité à comprendre la cause et la condition du personnage de Demi Moore. C’est cette problématique qui vient à me faire poser une question: pourquoi Demi Moore alors ? C’est imbécile, nous n’avons aucune info sur la situation dans laquelle se situe et se sent Demie Moore car le film ne s’évertue pas à nous donner ses infos dans le «prologue» du film. C’est-à-dire que personnellement si l’on venait à m’affirmer que le casting pour composer la femme aux grands défauts qui ne peut carrément plus se voir pour une cause aussi bénine que sa beauté, alors qu’elle est Demi Moore, alors je n’arriverai pas à y croire. Car même si elle entretiendrait des déficits comme il est si universellement reconnu dans le film, alors ils sont très bien ravaudés. Ça n’as pas vraiment d’impact. Donc à quoi bon, le film aurait peut être gagné à mettre une actrice peut être moins caractéristique de la beauté formelle au cinéma afin de mieux justifier l’absence justement de justification scénaristique formelle des névroses de Elisabeth. 


Si je reviens sur la problématique du temps il affecte deux cause en particulier: c’est d’abord que le film n’a pas vraiment de milieu social et ne justifie pas les activités que peuvent produire les personnages principaux. Donc durant ce concubinage, on ne nous signifie rien sur comment se passe les choses dans un quotidien qu’entretiennent les filles. Tout est simplifié, impersonnel et assez superficiel. Elisabeth va quitter la célébrité du jour au lendemain sans réel explication de l’avant et de l’après et Sue va y accéder d’un claquement de doigt. Surtout que cela ne cause jamais d’irréversibilité dans les situations, tous se sauvent, se justifie par un moyen, pour que ça se déclare il faudra attendre les dernières 20mn mais sinon on y voit que du feu à leur mascarade. Si on devait choisir un exemple ce serait les multiples conquêtes ramenées chez Sue, il y a toujours une limite scenaristique qui sauve les meubles, qui ne montre pas la supercherie. Laisser moi douter, les choses sont un peu plus compliquées dans la réalité. Là doit rentrer l’unité de temps qui doit montrer comment petit à petit la descente aux enfers se fait longue et donc insoutenable. Mais rien de cela les semaines passe comme 5mn et les mois comme 10. L’horreur doit se créer dans l’incapacité à l’arrêter, le temps est une précieuse source horrifique. 


Cela me permet de parler d’un autre attrait négligé du film se rapportant aussi à celui énoncé avant qui est l’enjeu spatial. Il se rapporte au temps et au réalisme car le film ne prend pas, ne nous insère pas dans une ville en particulier (on ne nous le suggère pas) et des conditions d’habitation, de locomotion, de la vie en fait… il aurait été judicieux et intéressant de nous montrer cet aspect, pour vraiment cerné le dégoût au quotidien de soit, d’y aller plus en détail lors des chemins parcouru où et comment. 


Pour finir j’aimerais parler du scénario. Déjà je trouve vraiment nul d’attribuer un prix pour le scénario d’un film, dans la mesure où ce qu’il crée d’artistique est uniquement grâce à la caméra. Le scénario ne garantit en rien un bon film. Je ne vais pas parler du scénario sous une forme distinctive (ses grandes lignes) mais plus sous une forme structurelle. C’est-à-dire que le film fonctionne sur des principes scénaristiques, ultra téléphoné et donc prévisible. J’ai l’impression que le scénario je le connais déjà dans ses grandes lignes (bien que je ne puis pas citer des centaines de films comportant ce scénario), que je l’ai déjà vu au travers d’autres films. Le sous genre du body-horror à des structures éculées et je pense qu’avant même que le film commence juste avec le synopsis, je pouvais affirmer que au début il y a la descente aux enfers, ensuite le désespoir nous poussant à commettre l’irréparable en pactisant et donc il y a une contre partie qui fait sens mais dont le protagoniste se fiche éperdument tant que les premiers effets le satisfassent, pour renaître mais tout va se casser car un jour la binarité ne fonctionne plus, les effets secondaires ressortent et finalement ça finit dans tous les sens. Une structure bien conventionnelle et bien approuvée durant le film. Le scénario devait faire la force et pourtant cela rend le film prévisible et d’une subtilité moindre. 


En conclusion, je dirais que dans la salle, les gens riaient devant le film, alors peut être suis-je passé à côté, peut être les gens ont captés une autodérision dont le film faisait preuve mais moi je restais stoïque et je dépréciais. J’espère de tout cœur que les gens ne riaient pas par grotesque car le film ne faisait pas dans la dentelle, car ce serait la preuve que l’échec est cuisant.

PachaPitou
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le 23 oct. 2024

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