Elle en pire
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Réussie et gonflée, The Substance une fable audacieuse où l’esthétique gore et clinquante sert un propos inattendu et réfléchi. Le film, porté magistralement par Demi Moore et Margaret Qualley, capte l’attention par sa maîtrise visuelle et son jusqu’au-boutisme, tout en évitant les écueils d’un discours lourd et pénible.
Elisabeth Sparkle, vedette d’une émission d’aérobic, est licenciée le jour de ses 50 ans par son patron à cause de son âge jugé indadapté pour la suite de sa carrière. Le moral au plus bas, elle reçoit une proposition inattendue, celle d'un mystérieux laboratoire lui proposant une « substance » miraculeuse : si elle se l’injecte, elle deviendra « la meilleure version » d’elle-même, « plus jeune, plus belle, plus parfaite » grâce à une modification cellulaire de son ADN.
Ce qui est assez inattendu, c’est que le film est très gonflé où rien ne nous est épargné visuellement. Certains passages sont insoutenables tant la réalisatrice nous immerge à mort. Surtout, elle donne l’impression d’aller totalement au bout de son projet. Le film se clôt là où il a commencé. Et entre les deux, Coralie Fargeat aura traité entièrement son sujet en 2h20. Ce sera le récit d’une autodestruction d’une femme où chaque scène semble repousser les limites de la mise en scène, conditionnant le spectateur à une expérience sensorielle et émotionnelle intense.
Ce qui me plaît aussi, c’est que le film ne se prend jamais au sérieux tant formellement que sur le fond. Fargeat assume pleinement l’esprit de Série B, délaissant les codes du cinéma de prestige pour plonger dans une esthétique gore décomplexée.
Le film, qui entend nous parler du corps féminin, du vieillissement, n’est jamais plombé par son discours. Fuyant l’esprit de sérieux à grandes enjambées, la metteuse en scène souhaite nous divertir avant de nous faire réfléchir. On a beaucoup parlé de fable pour ce film et c’est assez juste. Il y a dans ce film une visée didactique dissimulée derrière une forme amusante, populaire : le film gore. Une sorte de leçon à prendre pour son personnage, comme pour le spectateur. Avec un message appréciable en fin de compte, subtilement moral sans jamais être pesant. C’est d’ailleurs cette gravité, ce message didactique qui permet au film de s’élever au-delà du simple film de genre.
Ce film est extrêmement physique. Les actrices s’y donnent corps et âme, surtout corps. La nudité des deux actrices, à la fois discrète et frontale, est extrêmement bien filmée. A la fois essentielle dans le film (puisque c’est le sujet) et anecdotique, on a rarement vu ces scènes aussi bien utilisées dans un film. Jamais gratuitement. Il convient de saluer l’abattement des actrices Demi Moore (Quelle joie de la retrouver en tête d’affiche !) et Margaret Qualley. Leur investissement dans le film est frappant.
Malgré un prix pour le scénario au dernier Festival de Cannes – une récompense surprenante pour un film dont la force réside davantage dans la mise en scène et le montage – The Substance impressionne surtout par sa richesse visuelle. Coralie Fargeat fait un usage assez surprenant du zoom et de l’insert (ces plans courts qui interrompent le film et le montage). Il y a quelque chose de joyeusement baroque et foutraque dans l’univers visuel de la metteuse en scène.
On parle rarement, dans les critiques (les miennes comme celle des autres), de l’expérience que fut le visionnage du film. Visionné dans une salle pleine à craquer, l’effet sur le public a été palpable : la salle, captivée et épuisée par cette expérience immersive, réagissait au quart de tour, quittant la projection sous le choc des images. The Substance est de ces films qui, par leur audace et leur singularité, ne laissent personne indifférent, divisant autant qu’il fascine.
Créée
le 10 nov. 2024
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