Revenge, le premier film de Coralie Fargeat, était plein de promesses, un puissant geste de cinoche féministe et ultra-violent, qui tordait les codes d’un genre plutôt calibré, le revenge movie, pour asséner bruyamment son message, sans s’excuser.

Ces promesses, la réalisatrice les confirme avec The Substance, body horror movie à la personnalité affirmée, aussi excessif que politique.

Héritière de Cronenberg, Fargeat propose un cinéma organique fait de fluides et de sang, où les peaux s’ouvrent et suppurent, les plaies suintent et les corps expulsent, se nécrosent et se pluggent les uns aux autres. C’est aussi dérangeant et répugnant que bizarrement drôle. Se démarquant de ses références, elle impose un style outrancier et construit sa singularité dans la vitalité d’une mise en scène volontairement furieuse et tonitruante, faisant la part belle à une énorme bande son saturée et agressive. Mais toujours à propos et au service d’une indéniable vision d’auteur. Sa parabole fantastique et sanguinolente, monstrueusement gore, se déroule dans des décors pensés comme autant de petits théâtres où se débattent des personnages binaires et excessifs aux rôles parfaitement identifiés.

Car derrière la fable, Substance est aussi et surtout une charge féroce (mais néanmoins ludique) contre les injonctions faites aux femmes : de rester jeunes, de rester belles et désirables ou de dégager le plancher une fois la date de péremption arrivée (50 ans…). On n’affirmera pas que c’est assené subtilement, mais avec style et fracas, certainement. The Substance résonne d’autant plus fort que les diktats masculinistes qu’on pensait un peu mis en sourdine refont surface plus cyniques et assumés que jamais (« your body, my choice »), renforcés par la réélection de Trump .

Dans une prise de risque insensée, Demi Moore, formidable de panache, se (re)met littéralement à nu en porte-étendard du message de sa réalisatrice à qui elle accorde une confiance aveugle.

Elle qui fut longtemps le symbole de la jeunesse (artificiellement) éternelle à Hollywood semble vouloir réveiller les consciences, dont la sienne, en incarnant cette version moderne de la sorcière de Blanche Neige, sublime, mais plus assez. Margaret Qualley existe à côté d’elle et ce n’est pas un moindre exploit.

Le conte fantastique jusqu’au-boutiste de Coralie Fargeat s’achève dans une 3eme partie qui atteint le summum du gore (Il faut avoir l’estomac bien accroché), au grotesque assumé, qui s’étire inutilement et lui fait perdre de sa force. Pas suffisamment pour remettre en cause le nouveau statut d’experte du cinéma de genre de sa réalisatrice. Prenez le risque, testez la substance.

Créée

le 13 nov. 2024

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