Allégorie puissante et radicale de la quête de jeunesse

Allégorie à la fois puissante et radicale de la quête de jeunesse, THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat est un bijou cinématographique, une expérience sensorielle unique dont le message de fond est un cri de rage sur la liberté du corps féminin.


Après une introduction nette et précise, une ancienne star de cinéma devenue présentatrice d’une émission de sport et de bien être, se fait virer par son horrible producteur car elle est trop "âgée". Désespérée et isolée, elle tombe sur la Substance, un mystérieux produit capable de générer une autre version d’elle-même, plus JEUNE, plus BELLE et plus PARFAITE.


La quête de la jeunesse éternelle est un sujet ancrée dans notre société depuis la nuit des temps, on se souvient de ces innombrables publicités de produits cosmétiques ou même de ces films Disney où l’antagoniste est une vilaine sorcière, jalouse de la beauté de la jeune protagoniste… cette quête effrénée de la beauté éternelle, Coralie Fargeat la transforme en un pacte faustien, c’est la main du diable ou encore la Peau de chagrin de Balzac, pour réaliser son plus grand désir, il faut sacrifier une parti de "soi", mais à quel prix ?

Dès que le film est lancé c’est à dire dès que la première dose de la Substance ingéré, le film s’engouffre dans un tourbillon cauchemardesque, où le spectateur s’enfonce avec la protagoniste dans sa quête de jeunesse et d’attention du monde qui l’entoure et le film bascule dans l’horreur pure avec des scènes violentes sur la transmutation du corps, où la souffrance du corps se marie avec la beauté d’un nouveau corps naissant plus jeune et plus parfait.

Le cinéma d’horreur a toujours été le genre par excellence pour parler des problèmes de société, d’affronter des enjeux politiques et personnels et THE SUBSTANCE frappe par son message celui de la condition féminine dans un monde régi par les hommes (et pour les hommes).

Dans le cinéma ou dans l’écosystème audiovisuel plus généralement, l’apparence extérieure et l’image compte énormément, durant l’Âge d’or hollywoodien ce sont les producteurs qui façonnait les actrices, des stars qui ont été façonnés avec la crainte absolue du vieillissement, la nécessite d’être la plus parfaite possible, avec un régime stricte ou de la chirurgie réparatrice pour corriger un défaut naturel ... et les conséquences sur le quotidien de ces stars sont atroces et extrêmes, on peut évoquer le cas de Judy Garland, Marylin Monroe mais aussi de toutes les stars féminines des années 70-80, des séquelles qui sont encore présentes de nos jours.

En ce sens, THE SUBSTANCE est un film sur le corps des femmes, sur le vieillissement naturel mais aussi sur la préoccupation maladive du regard des autres notamment celui des hommes sur les femmes, un sujet important qui, est traité ici avec cynisme et violence.

Et le fait d'avoir choisi Demi Moore, qui marque son grand retour au premier plan est un choix engagé et fort, ce film fait écho à sa propre carrière, elle, qui était une icône des années 90 et qui, ensuite a disparu des radars.

Pour Demi Moore, ce film est une renaissance mais aussi une vengeance sur ce star-system hollywoodien qui l’a façonné, oppressé puis ignoré.


Dans sa forme, le film est un pur fantasme de cinéphile, c’est Kubrick (cadrages millimétrés très géométriques), c’est Carpenter, c’est Lynch (pour la troisième partie de folie) et sans oublier le maitre fondateur du body-horror : David Cronenberg !

Un film conceptuel extrêmement stylisé et ultra-référencé dont la réalisatrice revendique les influences mais pourtant le film dans sa proposition est UNIQUE, le film a tout pour être une pâle copie de ses aînées, mais non, Coralie Fargeat est sans cesse dans le but de surpasser son récit d’un point de vue formel et narratif ce qui conclue à la séquence finale d’anthologie (Julia Ducornau disait « Laissez entrer les monstres » et bah Fargeat a carrément libérer le “monstre” d’un geste fou et osé), une séquence de folie jusqu’au boutiste, toujours trop loin dans le gore, trop intense, trop violent, trop horrifique.


Coralie Fargeat "En allant jusqu’au bout de l’excès, je voudrais libérer le monstre qui est en moi. Ou plutôt, ce que la société m’a fait prendre pour un monstre : la part d’imperfection/de vieillissement/de changement qui fait partie de moi et que j’ai appris à cacher car, en tant que « femme »“


À noter également que c’est aussi un film très artisanale, raison de plus de la réussite du film, 70% du film a été réalisé par des effets pratiques sur le tournage ("pratical effect"), et le rendu est tout simplement brillant. Un amour du savoir-faire pour la bricole qui rappelle les premiers courts-métrages de David Lynch (The Grandmother)


Odyssée cauchemardesque d’une femme qui s’engouffre dans un mal être absolu, THE SUBSTANCE est une œuvre transgressive et fascinante, teinté tout au long d'une rage féminine, c’est un conte horrifique sur l’éternelle recherche de la beauté et de la jeunesse qui se conclut en apothéose, dans une déflagration total.

Un classique instantanée du « body horror movie » !

lncjoa17
9
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le 14 nov. 2024

Critique lue 13 fois

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lncjoa17

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