Ancienne star oscarisée, Elisabeth Sparkle se contente aujourd’hui d’une émission d’aérobic à la télévision étasunienne. Mais quand son producteur lui annonce qu’elle est virée le jour de son cinquantième anniversaire, c’est la chute, puis l’accident. Mais un élixir mystérieux pourrait lui offrir une seconde jeunesse.


L’histoire d’Elisabeth est symbolisée par une étoile. Son étoile qui orne le « Walk of fame » de Hollywood Boulevard. Sa mise en place dorée est honorée par les nombreux flashs des photographes. Ce sont les selfies touristiques qui l’illuminent ensuite. Au fil des ans, les mémoires vont l’oublier. Fissurée par les aléas météorologiques, elle n’est plus qu’un bout de trottoir qu’on écrase sans plus le voir et sur lequel on renverse un hamburger souillé de ketchup cramoisi. Comment briller à nouveau dans cet univers impitoyable où l’on ne demande à une femme que son nom, son âge et ses mensurations ? En s’injectant la substance, essence capable d’exprimer la meilleure version de vous-même.


Le pacte est faustien et la fable évidente. Après un accouchement avec douleur par le dos, Sue naît et prend la place de sa mère matrice. Teint de pêche, lèvres pulpeuses, taille minceur et mamelons bien fermes. La créature est parfaite, prête à baiser la caméra pour plaire à l’Amérique machiste. A condition que la garde partagée de cette existence, une semaine sur deux, soit respectée.


En 2021, à Cannes, Julia Ducournau donnait vie à un fœtus automobile pour remporter une palme en titane. Coralie Fargeat, prix du scénario cette année au festival, pousse les curseurs plus encore dans le rouge. Son cinéma horrifique en appelle à David Cronenberg, David Lynch, Brian de Palma et Stanley Kubrick. Des références écrasantes qu’elle ingurgite et dégurgite sans craindre les effets de manche. La mécanique des fluides est lancée – sueur, matière verte, liquide amniotique, moelle, hémoglobine et quelques larmes. Des éclaboussures que les nombreuses douches ne pourront plus faire disparaître. Entre les piqûres et les points de sutures, les bélénophobiques détourneront le regard. Les amateurs de gore l’apprécieront jusqu’à l’overdose. Malmenée, la chair est triste à en devenir monstrueuse. Dans sa robe bleue, Cendrillon ne sera pas la plus belle pour aller au bal du diable.


Autant d’extravagances et de grotesque pour surligner les diktats d’une société malade encourageant la haine de soi. Les hommes ne sont ici que des Weinstein trumpistes en puissance, quand les femmes, victimes malgré elles consentantes, n’ont pour arme de défense que leur beauté. En misant sur des profondeurs de champs disproportionnées, des très gros plans disgracieux, ou en posant sa caméra au ras du sol, la réalisatrice déforme et écrase ses personnages. Se complaisant dans le vice voyeur, elle découpe ses séances de fitness clipesques comme dans le Call on me d’Eric Prydz. Entre la farce et la caricature, la dénonciation serait quasi vaine si la Française n’avait eu l’idée insolente de rappeler Demi Moore pour incarner le personnage d’Elizabeth. La reine des années 90 est aujourd’hui une sexagénaire hors champ, en dépit d’une plastique chirurgicale réussie. Face au miroir, miroir, c’est son propre portrait qui se dessine et se juge. La mise à nu courageuse de son corps et de sa carrière en devient alors bouleversante.


(8/10)

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le 23 nov. 2024

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