Substance.nf: du latin sub "sous" et de la racine indo-européenne *sta : être posé, fixée, se tenir.

Admirable fable horrifique qui repousse les limites, les frontières, les colonnes d'Hercule du genre s'inscrivant dans la double et antithétique (encore que ! ) lignée du Miroir à deux faces et d'Elephant Man, sorte d'amalgame terrifiant entre Dr Jekyll & Mr Hyde, La Peau de Chagrin et Le Portrait de Dorian Gray au féminin, à l'esthétique léchée et novatrice empruntée tant au Carrie de De Palma qu'au Shining de Kubrick, pour un final fou en épanadiplose étoilée à la Buñuel-Dali, voilà ce qu'est The Substance de Coralie Forgeat: une condamnation de la société des apparences, de la consommation, des images, des écrans et de l'individualisme qui mésinterprète le sens du regards des autres.

Un brin féministe, certes, mais bien amené, ce conte de l'horreur entre Blanche-Neige revu et corrigé par Robert-Louis Stevenson, Faust et La Vieille écorchée de Giambattista Basile expose et pense le rapport de l'intimité physique à la vieillesse et appelle à l'acceptation de soi contre une société qui appelle paradoxalement à rejeter et à accepter l'âge, formant le Loup-Mère-Grand de la femme, différent de celui, plus notoire, de la fille.

Cette intimité comme ce regard individualiste sur le monde est retranscrit avec brio par des plans recherchés, fous et très picturaux comme par des effets visuels et sonores, des inserts et des off, très immersifs. Le résultat est bluffant, prenant et, horreur oblige, extrêmement bouleversant, dérangeant. Il faut un cœur très très très bien accroché pour suivre Demi Moore et Margaret Qualley dans leur descente aux enfers toujours plus morbide et irréversible.

Comme une scène bien connue du Chien andalou, ce long-métrage est un objet curieux, malmenant, qui force le voyeurisme et récompense le voyeur en le punissant, comme il récompense l'héroïne de son orgueil démesuré en la rendant toujours plus difforme et méconnaissable (incroyable, improbable, métamorphose de Demi-Moore !) selon un goutte à goutte sanglant impitoyable et inéluctable. Une performance globale extraordinaire et cauchemardesque portée par le talent déroutant de l'ex de Bruce Willis alias Mrs "Suce mes boules" d'À armes égales et par la folie agaçante de la fofolle de la pub pour Kenzo World et fille d'Andy McDowell, qui illustre à la perfection cette citation tronquée, déformée (à l'image de notre protagoniste du jour) de Bossuet dans son Histoire des variations des églises protestantes: Mais Dieu se rit des prières qu'on lui fait pour détourner les malheurs publics, quand on ne s'oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? quand on l'approuve et qu'on y souscrit, quoique ce soit avec répugnance.


NB:

La Fofolle de Kenzo: https://www.youtube.com/watch?v=lEUxLAwhC4c

La scène du Chien andalou: https://www.youtube.com/watch?v=GvLS7SNC0D4

Frenhofer
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le 27 déc. 2024

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