Tiens dis donc… Qu’il est malin le Zemeckis… Avant d’aller voir ce « The Walk », je me demandais ce qui pouvait intéresser Zemeckis dans l’histoire de ce funambule français des années 1970. Et puis j’ai vu le début de ce film, et j’ai vite compris qu’en fait, Zemeckis s’en moquait de ce funambule français. Ce qui branchait Zemeckis, c’était le World Trade Center. Plus de dix ans que les tours sont tombées, mais elles hantent encore l’esprit des Américains. L’artiste voulait les faire revivre et les immortaliser au travers d’un film. Mais visiblement, il voulait leur rendre un hommage en célébrant leur beauté plutôt qu’en se larmoyant à nouveau sur leur chute. Alors soit, on raye les attentats qui sont trop dramatiques, on raye la finance qui est trop peu glamour, et on nous ressort donc cet épisode bien gai de funambule qui s’est permis de passer d’une tour à l’autre. Alors, certains auront peut-être l’impression que lorsque je dis ça, j’ai une certaine forme de mépris à l’égard de la démarche du gentil Robert, mais en fait pas tant que ça. Je trouve même l’idée assez malicieuse, et pouvant même s’avérer géniale si elle était exploitée intelligemment. Or, le problème, c’est qu’à mon sens, Zemeckis n’a fait que la moitié du chemin sur ce beau projet, et il n’a pas su pousser suffisamment loin son idée. Parce qu’au fond, puisque seules l’intéressent les tours, il aurait dû se désintéresser de l’ami Philippe Petit, parce qu’honnêtement, ça se sent qu’en fait il n’en a rien à foutre de lui. Ce personnage, c’est son faire-valoir, celui qui va lui permettre de développer son propos sur ce que furent ces tours dans l’imaginaire collectif, ainsi que sur la manière dont les New-Yorkais ont fini par se les approprier…
Du coup, le personnage de Philippe est finalement très mal développé. Son état d’esprit, on ne le capte pas vraiment. Et si on ne le capte pas vraiment, c’est sûrement aussi parce que le gars ne parlait pas tant que ça à Zemeckis. Ainsi on se retrouve finalement avec toute une première moitié de film qui brasse un peu du vent. Histoire de rappeler que le sujet, ce sont les tours, le bon Robert fait des insertions régulières d’un Philippe Petit qui parle de ses tours en voix-off. Alors c’est vrai que ça recentre le sujet, mais ça rend la narration très plate, surlignée, et ça a fini par créer un effet d’usure me concernant qui m’a fait m’impatienter. J’en avais marre de la France des clichés. J’en avais marre de la romance stéréotypée (même si pour le coup, je dis chapeau pour le choix de Charlotte Le Bon.) J’en avais aussi marre de l’accent français du pauvre Gordon-Levitt, tout comme je n’en pouvais plus non plus de ces préparatifs qui n’en finissaient pas. Et pourtant, là encore, il y avait des bonnes idées ! Perso, présenter la préparation d’un tour de funambulisme à la façon d’un braquage de banque, j’ai trouvé ça super malin. Seulement voilà, pour moi ça n’a pas collé car Philippe Petit n’est pas présenté comme une petite canaille, mais davantage comme un narrateur et un rêveur. En cela, la réalisation très classique et dégoulinante de Zemeckis ne colle d’ailleurs jamais vraiment à son sujet me concernant. A bien des moments il aurait dû arrêter l’esbroufe, se taire, arrêter de surcharger certains passages en explications verbales ou en musiques surchargées.
Mais, encore une fois, j’ai l’impression que l’ami Zemeckis s’est efforcé de faire tout ce qu’il a pu, d’utiliser tous les artifices possibles, pour nous faire tenir jusqu’au moment qui, en fait, est le seul sujet du film : la traversée. Pour le coup, on a de très beaux plans de New-York, une magnifique reconstitution des deux tours (je dois même avouer m’être posé pas mal de questions sur la manière dont se sont pris les équipes techniques du film pour reconstituer les vues d’époques vues des toits. Franchement c’est assez bluffant de réalisme. Autant à de nombreuses reprises certains plans puent le numérique, autant les scènes sur les toits, ainsi que la vue sur les tours lors de la traversée, sont juste remarquables d’intégration). A dire vrai, ce quart d’heure de traversée est le seul vrai moment du film. Pour le coup, je trouve qu’il marche bien, que certains plans sont magnifiques, et qu’à ce moment là, la démarche de Zemeckis à l’égard de ses tours s’incarne totalement. D’ailleurs, une fois que la fin survient, je me suis quand même dit qu’une partie de la mission avait été accomplie. Ce mec a réussi à me transmettre un regard tendre sur ses deux tours (ce qui n’était quand même pas donné), tout comme finalement il a su saisir une part de l’identité de New-York que ces tours avaient fini à capter pour elles. Donc non, ce film est loin d’être un loupé. Mais bon, quand je mets de l’autre côté de la balance tout l’enrobage qu’il a fallu se coltiner, du personnage principal fade aux clichés de narration, je me dis que, malgré tout, il y avait tout de même eu une petite sensation de purge à regarder ce « The Walk ». Reste à savoir pour vous si vous aurez le courage de supporter tout ça pour profiter d’un petit quart d’heure de bonheur.