Cette année, en matière de film catastrophe, il valait mieux se tourner du côté de The Wave que de Deepwater. Les deux films suivent le schéma classique du genre : une longue exposition en forme de tableau social universel doublé d’une présentation des risques encourus par les protagonistes, aboutissant à un climax spectaculaire censé raviver la flamme fraternelle du genre humain. On attendait un réalisme sec de la part de Peter Berg (Du sang et des larmes), de l’autre on craignait le pastiche hollywoodien made in Norvège. Mauvaises prévisions.

A trop miser sur la pyrotechnie (explosions bien timorées, par ailleurs) et la veine politique (les méchants de BP, prêts à tout pour alourdir les recettes de la société), Peter Berg en a oublié le sel du genre : la menace. Bien malin celui qui saura vous expliquer la raison pour laquelle la station Deepwater Horizon s’effondre. Faute de contrôles techniques, bien sûr. Mais, mis à part des compteurs dans le rouge et des graphiques foutraques, on n’aura pas d’autres éléments de compréhension, et de fait, aucun crescendo dramatique. C’est tout le fonctionnement, extrêmement complexe, d’une plateforme pétrolière, qui est en jeu, incompréhensible pour le spectateur lambda. Il manque à Deepwater la concision, capitale, de l’enjeu catastrophiste : une explosion volcanique, un crash aérien, un naufrage… Les dangers sont évidents, la mise en situation, immédiate. Deepwater Horizon ne coule pas, ne s’effondre pas, et se contente de brûler. Un peu.

Roar Uthaug (The Wave) a, lui, choisi le tsunami. Parce qu’il a lieu en Norvège, dans un fjord, on pense d’abord, avec le sourire, qu’il va s’agir d’une tempête dans un verre d’eau. Et c’est précisément la force de The Wave : se concentrer sur le verre d’eau, avec très peu d’effets de manche. L’imaginaire travaille (à quoi peut bien ressembler un tel phénomène dans un cadre aussi particulier, comment cela peut-il arriver, comment en réchapper ?) pendant que le fonctionnement de la petite communauté, dans laquelle on se rend au travail à vélo, où tout le monde se connaît, se dévoile avec un sens certain du portrait : la routine d’une équipe de géologues qui admirent, plus qu’ils ne surveillent, une montagne dont les glissements de terrain sont tellement improbables, le fonctionnement d’un hôtel en bord de lac.

L’argument de The Wave est celui de n’importe quel film catastrophe : une famille est séparée par les aléas de la catastrophe, et chacun va lutter pour survivre, puis se retrouver (ou pas) au gré d’expériences traumatisantes. On sent bien que la famille de Deepwater, celle qu’a essayé de dépeindre Peter Berg, est celle de ces hommes et femmes qui travaillent dans des conditions extraordinaires. Mais ces conditions (confinement, promiscuité, solitude) restent malheureusement hors-champ, tout comme la complicité et la solidarité qui sont censé unir ces travailleurs hors-normes, nouvelle caste d’esclaves au service d’une entreprise inhumaine. Deepwater rate complètement son volet humain, trop sûr, sans doute, de sa force protestataire.

The Wave aborde au contraire ses protagonistes avec beaucoup de délicatesse. On sent Roar Uthaug attendri par ceux qu’il met en scène. Cet attachement à la terre, cette revendication, même, d’une vie différente, celle d’un village perdu qui tourne autour de son environnement naturel, on sent que c’est la sienne. Cet environnement dont les habitants sont à la fois tributaires et amoureux, et qui deviendra leur tombeau, c’est un gage immédiat d’épaisseur, totalement absente pour les protagonistes de Deepwater, simples rouages d’une machinerie gigantesque.

The Wave, c’est le rappel de la puissance destructrice de la nature, des lois physiques et physiologiques (pesanteur, étouffement, froid), autres piliers fondamentaux du film catastrophe négligés par Peter Berg. Les humains de Deepwater Horizon ne se débattent pas, ou peu, contre les éléments, ils cherchent simplement une sortie dans un lieu exigu. A défaut de trembler pour eux, on aura au moins appris que, chez BP, ça ne rigole pas.

Francois-Corda
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le 3 janv. 2019

Modifiée

le 29 mai 2024

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François Lam

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