Les lumières sont allumées dans l'immeuble, la fête à devenir attend son élément déclencheur. Jeune homme au regard vide mais au cœur gros, Leo Handler ne vit plus pour lui, mais pour sa mère, fragile créature blessée par les années. Dicté par ses désirs, il s'enfonce dans les bas-fonds avec son ami et bientôt rival, Willie Gutierrez où seul l'individualisme prône comme valeur sûre.
"The Yards", second film du prodigue James Gray, reprend le thème de la famille, comme dans sa précédente offrande, "Little Odessa". Pourtant, ici, la famille est unie, semble être un rempart contre une réalité forcément néfaste et destructrice envers les magouilles perpétuées qui assurent un train de vie très agréable où le mal ne pénètre pas. Mais ce mal finira par s'insinuer petit par petit, conférant ainsi une ambiance incroyablement tendue au long-métrage. Les masques commencent par tomber, laissant de ce fait la réalité faire surface. La jalousie, la traîtrise, la violence... Toutes ces choses deviennent communes et déconnectent chaque membre de la famille et la bulle l'englobant (les chefs politiques, les actionnaires).
Seul Leo Handler, interprété par un Mark Wahlberg tout en discrétion alors sur une très bonne lancée ("Boogie Nights", "Les Rois du Désert"), résiste et reste fidèle à son but original : faire vivre sa mère décemment. Ses désirs individuels sont mis de côté, mais forment alors une boule de pression infernale qui finira par éclater en deux temps (la bagarre, le procès). Peut-être dénué de mal, peut-être doté d'une grande sagesse, il sera le seul survivant de cette histoire noire et pessimiste.
James Gray n'atteint pas la perfection de la mise en scène qui culminera dans "We Own the Night", mais il arrive tout de même à de hauts sommets, rendant avec brio la tension du film terriblement palpable. Le jeu de lumière est lui aussi à saluer (dans les hangars), tout comme la prestation des acteurs qui signent tous une prestation formidable. Joaquin Phoenix en particulier, brille de milles feux à travers un personnage torturé et tortueux qui se laissent guider aveuglement par ses désirs. Il est sûrement le point le plus important du long-métrage, insufflant une dose non négligeable de grandeur. Un des meilleurs acteurs de sa génération ?
Et il y a James Caan, aussi adorable qu'imposant en patriarche confronté aux travers du business et à une belle-famille qui ne l'accepte qu'avec beaucoup d'efforts (la scène avec sa belle-fille est très forte, dans ce sens).
Avec "The Yards", Gray signe une oeuvre digne des meilleurs films de gangsters dirigés par Scorsese ou Coppola, Moins de deux heures de noirceur pessimiste, de perfection millimétrée, de crainte, de tension, d'émotion, de bonheur... Une pépite, tout simplement.