Une jeune fille entrant fraîchement à l'université est déchirée entre l'envie de vivre à fond sa vie d'étudiante (faire la fête, de nouvelles rencontres, boire, fumer, essayer de la beuh, baiser, etc. !) et son éducation avec des parents strictement religieux, la fliquant même à distance en lui téléphonant constamment ainsi qu'en regardant ce qu'elle fait sur ses réseaux sociaux. Sans parler qu'elle va commettre ce qui est l'ultime péché par rapport à ce qui lui a été enfoncé dans l'esprit, c'est-à-dire tomber amoureuse d'UNE de ses camarades de fac...
Put..., qu'est-ce que cela donne envie ! La thématique du désir amoureux affrontant des pensées archaïques, foutues dans le cerveau par ses géniteurs, qui va s'exprimer par des phénomènes paranormaux et physiques.
La première partie où la protagoniste va faire connaissance avec l'objet de sa flamme, mais aussi avec elle-même (si je peux m'exprimer ainsi !), ressentir les frissons de la sensualité, est tout à fait réussie, aidée en cela par des deux comédiennes épatantes. J'ai eu envie de voir leurs personnages creuser et leurs relations approfondies. Le potentiel était énorme pour la suite.
Mais après, c'est la déception. Je comprends tout à fait qu'il était naturel que la jeune femme s'affronte elle-même, donc se confronte à ses parents pour pouvoir se reconstruire et atteindre enfin le bonheur. C'est le schéma naturel vers lequel tendait l'intrigue. Problème, ça part dans le n'importe quoi.
L'épisode de la grand-mère est d'une inutilité remarquable. Pourquoi il est là ? Pour donner un aspect plus enfoiré au paternel ? La nuance, c'est bien aussi. Je pense qu'il avait suffisamment de côtés négatifs sans cela pour avoir un bon antagoniste. Pour créer une sorte d'avertissement faisant comprendre à la jeune femme qu'elle doit se méfier de ses parents à tout prix ? Ben, elle fonce dans le piège en toute conscience en revenant dans le foyer familial et en se laissant entièrement faire, notamment en prenant sans résister les drogues qui lui sont présentées. Et si elle arrive finalement à prendre le dessus en cramant papounet à distance (c'est pour faire bêtement référence à Carrie de Brian De Palma ?), aucune explication cohérente est donnée au pourquoi de cette reprise en main fracassante des événements.
Et pourquoi elle se montre aussi bienveillante avec mère qu'elle est malveillante avec son père ? Pour moi, les deux parents se valent. D'accord, il y a la séquence fracassante d'introduction où papa pense à tirer une balle dans la tête dans sa fifille lors d'une partie de chasse. D'accord, c'est un connard bigot dans la vie de tous les jours, mais, là, en toute franchise, il a une très bonne raison d'être aussi vénère envers elle. Elle a juste zigouillé, en utilisant inconsidérément ses pouvoirs, son petit frère en le fourrant dans un lac glacé, je vous le signale.
Et pour moi, l'ensemble aurait gagné à être épuré. La jeune femme a été élevée par des parents strictement religieux, avec éducation étouffante intégrée. Aller à l'encontre de cette dernière, c'est le mal pour elle, mais elle va se rendre compte petit à petit que le véritable mal, c'est d'aller à l'encontre d'elle-même. Et tout le déchirement qui en ressort s'exprime par des phénomènes paranormaux. Point-barre. Pas besoin de s'encombrer du truc avec la grand-mère et de celui avec le frangin, donnant l'impression ici d'être juste là pour injecter des rebondissements de ouf en sacrifiant toute logique au passage.
Donc, bonjour les incohérences !
La scène de conclusion arrive sans que rien ne soit approfondi. Ce que je veux dire par là, c'est que la personne dont est amoureuse la protagoniste se résume juste à se comporter elle-même en amoureuse. C'est tout. Elle n'est définie par rien d'autre. Une histoire d'amour, c'est généralement à deux. Même si le personnage principal a un rôle plus important et donc a le droit à plus de consistance, ce n'est pas une raison pour ne pratiquement rien donner à l'autre. Cela aurait été sérieusement intéressant de l'enrichir, pour que les interactions entre elle et Thelma soient plus puissantes, pour que le "retour" et la fin soient plus poignants.
Autrement, pour la technique, Joachim Trier emballe le tout avec maîtrise. Les paysages urbains et naturels ainsi que le climat scandinave faisant en sorte que le noir, le blanc et le gris soient toujours à la fête. Ce sont ces couleurs qui inévitablement imprègnent le tout. Le cinéaste utilise très bien cet état de fait.
Bref, vous savez ce qui est le plus frustrant pour le spectateur que je suis ? Ben, un film avec un très fort potentiel de départ par rapport à son sujet, ayant de très belles qualités (ici la distribution et la technique !), mais qui utilise tout cela dans un truc globalement pas du tout à la hauteur. J'aurais adoré kiffer ce film. Sincèrement, je l'aurais voulu.