Thérèse Larroque,issue de la bonne bourgeoisie landaise,épouse dans les années 20 Bernard Desqueyroux.Plus par intérêt que par amour car il s'agit pour les deux familles de réunir leurs domaines constitués d'immenses forêts de pins et de figurer parmi les plus importants producteurs de bois de la région.Cinquante ans après la version de Georges Franju avec Emmanuelle Riva et Philippe Noiret,Claude Miller,pour ce qui sera son dernier film,adapte le célèbre roman de François Mauriac publié en 1927.Il signe scénario,adaptation et dialogues avec Natalie Carter.Le film dresse le portrait d'une femme en avance sur son temps,féministe avant l'heure,qui va basculer dans la folie meurtrière.Car au-delà du cas particulier de Thérèse,c'est la condition féminine et ses premières évolutions qui sont au coeur du sujet.Le patriarcat était encore très puissant à cette époque et l'émancipation des femmes compliquée,ce que symbolise et synthétise le personnage principal,dont la psychologie perturbée confine à la schizophrénie.En effet,l'héroïne se révèle à la fois rebelle et soumise.Il y a la Thérèse libre et contestataire,qui n'hésite pas à contredire les hommes,qui est tolérante en ces temps où l'antisémitisme et la xénophobie étaient parfaitement normaux et où les radicaux-socialistes comme le père Larroque étaient soupçonnés d'être de dangereux agitateurs,qui fume des cigarettes à la chaîne et qui lit des romans sans arrêt.Mais cette amazone est également imprégnée des codes sociaux de son milieu,qu'elle ne parvient pas à dépasser.Ainsi,elle appartient à la terre autant que les terres lui appartiennent et elle entend conserver son mode de vie et,comme les autres,privilégie la famille et sa réputation.Mais,une fois engluée dans la routine d'un mariage fastidieux,elle étouffe vite et ne maîtrise plus ses contradictions psychologiques,au point de perdre pied et de commettre un acte grave qui ruinera sa vie et celle de ses proches,même si la bourgeoisie saura se serrer les coudes afin d'éviter le scandale.Mauriac,lui-même rejeton d'une grande famille bordelaise versée dans le commerce du bois,décrit ici un monde,la vieille France d'antan,figée dans ses préjugés,ses traditions immuables et ses principes basés sur l'argent et la réputation,dont la domination commence à s'effriter.C'est tout cela que représente Bernard,qui est au fond un brave type qui est incapable de remettre en cause son héritage culturel.Sincèrement amoureux de sa femme,il le restera d'ailleurs en dépit des évènements,il vit sans se poser de questions l'existence à laquelle on l'a destiné,entre développement de la fortune familiale,devoir conjugal,messe du dimanche et parties de chasse,persuadé de faire ce qu'il faut pour être dans le droit chemin.Son union avec Thérèse ne pouvait dès lors guère marcher et devait se réduire à des intérêts financiers communs.Miller raconte tout cela de manière décevante en livrant une oeuvre lente,académique,statique et plutôt ennuyeuse,pénalisée par des ellipses malvenues et quelques échappées oniriques incertaines,ce qui surprend de la part de ce cinéaste à la carrière créative et originale,comme si l'évocation de cet univers compassé avait contaminé sa mise en scène.Il réussit toutefois quelques jolis plans extérieurs de bords de mer ou de ces immenses et oppressantes pinèdes.Audrey Tautou,actrice fade et surévaluée,n'a pas les épaules pour ce rôle qui l'écrase.Son visage ingrat,son petit air buté et sa façon d'avaler ses mots ne contribuent en rien à améliorer le film.Gilles Lellouche est par contre d'une grande justesse et sait exploiter les failles de son personnage.Les acteurs de complément sont assez moyens,à l'exception de la lumineuse Anaïs Demoustier et d'un excellent Francis Perrin qui joue un rad-soc plus préoccupé par ses affaires et sa renommée que par la justice,qu'elle soit sociale ou pénale.