D'habitude, j'ai un avis relativement tranché sur la Palme d'Or : ce n'est vraiment pas le cas cette année. Ni pour ni contre, je peux la comprendre sans être d'accord. Julia Ducournau a de la personnalité, ce qu'elle propose détonne dans le petit milieu souvent sans audace du cinéma français. Il y a une vraie offre de cinéma de genre, une radicalité qu'elle assume fièrement. La réalisatrice est parfaitement consciente qu'elle ne fera jamais l'unanimité, mais aussi que son style ne laissera personne indifférent.
Plusieurs scènes mémorables, dont certaines insoutenables (l'un n'empêche pas l'autre) au cœur de cet étrange récit clairement divisé en deux parties : d'abord une sorte de « Maniac » au féminin à la violence hallucinante avant de laisser place à un drame assez malsain, non dénué de sensibilité. Cette relation où personne n'est où il devrait, s'appuyant sur une étrange touche de science-fiction, est autant l'occasion d'une réflexion sur le corps et la notion femme-homme que d'offrir un duo Vincent Lindon - Agathe Rousselle fonctionnant bien, le physique étrange de la seconde s'inscrivant parfaitement dans l'univers du film.
Ça n'en est pas moins assez bancal dans sa façon de raconter une histoire ou de peu traiter certaines sous-intrigues
(l'addiction du protagoniste, notamment),
le récit dans son ensemble étant souvent difficile à croire. Je ne peux pas dire que j'ai aimé. Trop « radical pour être radical ». Un peu de complaisance dans le sordide, aussi. Pas assez d'explications, parfois. L'attachement aux personnages est difficile. Mais quelques moments de grâce, une approche visuelle forte et une réelle envie de proposer quelque chose de différent, à tout point de vue. L'un dans l'autre, cette Palme d'Or, à défaut d'être « justifiée », peut valoir le déplacement, à condition de (vraiment) savoir où vous mettez les pieds...