Il est indéniable que la force de Titane réside d’abord dans sa singularité, puisqu’au-delà des événements et des scènes du film qui semblent sortir des bas-fonds de notre imaginaire et dont ils seraient préférables de laisser la surprise à celui qui doute encore de l’intérêt d’aller le voir, le personnage d’Alexia est un monstre. Elle n’est pas qu’une anti-héroïne, elle est une véritable sociopathe qui semble être rongée par la haine et la peur. La deuxième partie du film, totalement différente de la première, est très intéressante en ce qu’elle laisse place à une certaine forme de rédemption, même si le physique d’Alexia (au passage devenu Adrien), métamorphosé, cabossé, scarifié et même liquéfié pourrait suggérer le contraire.
Julia Ducournau, dans son discours après avoir remporté la Palme d’Or, a remercié le festival d’avoir « laissé rentrer les monstres ». Il me semble compréhensible que certaines personnes puissent se trouver déstabilisées ou étonnées de voir un film au scénario aussi peu conventionnel et à toute logique de bienséance et de vraisemblance terrassée, il n’est pas ici question de remettre le sujet du film en question, mais plutôt de se le prendre en pleine poire et de s’efforcer de se satisfaire d’une expérience cinématographique aussi déroutante que séduisante, de se prendre un veritable choc épidermique et de voir quelques unes de ses pulsions morales éveillées par une œuvre qui ne se fixe pas de limites.
Titane est une œuvre puissante dans ce qu’elle raconte de l’identité et de la condition humaine, la questionnant en effet souvent, extrêmement dérangeante dans sa mise en scène mais qui n'en reste pas moins magnifique et hypnotisante.