C'est inévitable désormais : à chaque fois qu'on voit un film ou un téléfilm relatant le naufrage du Titanic, on ne peut que le comparer au mètre-étalon qu'est devenu la version de James Cameron de 1997 (que l'on ait aimé ou pas, d'ailleurs...). Et à ce petit jeu, cette version allemande de 1942 d'Herbert Selpin et Werner Klingler tient franchement la comparaison (toutes proportions gardées évidemment).


Car si je pouvais avoir des préjugés face à une telle vieillerie (n'étant pas fan du cinéma d'art et d'essai en noir et blanc...), le résultat final est étonnamment moderne et rythmé (le tournage en noir et blanc ne trompant néanmoins personne sur l'âge canonique de cette version). On sent d'ailleurs que le film a bénéficié de pas mal de moyens pour l'époque. En allant même plus loin, on ne peut même que se rendre à l'évidence : Cameron s'est visiblement bien inspiré de cette obscure version tant certaines situations (en dehors du récit historique inévitablement similaire) semblent trop comparables pour être honnêtes. On citera par exemple la scène du pseudo-flamenco exécuté par la danseuse sur le pont des passagers de 3ème classe (que l'on retrouvera sous forme de gigue irlandaise avec Kate Winslet et Leonardo Di Caprio plus de cinquante ans plus tard) ou encore le côté roman à l'eau de rose avec l'histoire amoureuse naissante entre les deux employés de la White Star Line (l'employée et le membre de l'orchestre) et celle entre l'officier allemand Petersen et la jeune femme ayant perdu sa fortune. Ainsi, au-delà de quelques inexactitudes historiques, l'ensemble est vraiment très agréable à suivre d'autant que les scénaristes se sont focalisés sur deux éléments un peu différents de ceux du film de Cameron : à savoir le contexte de la course au Ruban Bleu (la récompense créée par les compagnies transatlantiques au XIXe siècle et attribuée au détenteur du record de la traversée de l'Atlantique Nord... sur fond de rivalité économique, politique, idéologique et technologique) et la commission d'enquête sur la naufrage du Titanic (qui constitue l'épilogue de cette version).

Il en va néanmoins des films allemands des années 40 comme de beaucoup de films américains des années 80 (sur fond de rivalité Est-Ouest). C'est en effet l'autre curiosité de ce Titanic version 1942 : il s'agit résolument d'un film lourdement marqué par la propagande allemande. Car si vous étiez passé au travers des mailles du filet pendant tout le film, un petit texte déroulant vient lourdement vous le rappeler avant le générique de fin (« L'Angleterre n'a jamais expié la mort des 1500 personnes causée par son avide course au profit »). Et pendant tout le film, c'est l'officier Petersen (seul officier de nationalité allemande présent dans l'équipage du Titanic dans ce film) qui joue le Monsieur-les-bons-offices au service de la propagande de guerre allemande (le film étant sorti en 1942). Il est constamment là pour vous le rappeler pendant 1h30. En effet, lui seul a vu les dangers de la course à la vitesse (et aux profits de la White Star Line sur fond de course au record et de spéculation boursière) au détriment de la sécurité des passagers, lui seul a perçu les risques de cette navigation dans une zone où les icebergs sont légion, lui seul a compris avant tout le monde les mesures de sécurité défaillantes du Titanic (le manque de canots de sauvetage notamment...) et lui seul a mis en garde la capitaine et le président de la White Star Line (Bruce Ismay) etc, etc... Mais personne ne veut l'écouter... Et pourquoi donc ? Mais parce qu'il est Allemand bien entendu ! Et comme le président de la White Star Line le lui répète, c'est bien parce que sa nationalité laisse raisonnablement soupçonner qu'il ne souhaite pas particulièrement que le Ruban Bleu revienne à une société britannique (l'Allemagne étant elle aussi engagée dans la course au Ruban Bleu en 1912) qu'il ne faut pas tenir compte de ses craintes et de ses mises en garde. Bon sang, mais c'est bien sûr... Je vous épargne aussi les morceaux de bravoure du brave Petersen qui alors que les riches industriels se battent pour embarquer dans les dernières chaloupes... n'hésite pas à prendre sous son aile protectrice une petit fille en sautant dans l'eau glacée avec elle pour la faire monter sur une chaloupe. Et oui, dans ce Titanic (version 1942) la propagande enfile ses si gros sabots qu'elle en finit par être lourdingue et totalement caricaturale (le gentil officier allemand pétri de valeurs humanistes contre les vilains capitalistes britanniques de la White Star Line prêts à tout pour sauver leur peau et leurs actions au mépris des autres pasagers).


Reste qu'au final, ce Titanic (version 1942) reste un film présentant un double intérêt et est finalement particulièrement plaisant à regarder en dépit de son grand âge. Son double degré de lecture satisfera en effet le plus grand nombre. Titanic est en effet un film catastrophe tout à fait recommandable (même pour les standards actuels) et dont l'aspect très romancé a inévitablement inspiré James Cameron (pour certaines scènes, c'est une quasi-certitude). Mais c'est aussi l'archétype du film de propagande en période de guerre... dans un genre où on ne s'attendait véritablement pas à la trouver. Une curiosité à regarder sans appréhension donc, tant pour le spectacle proposé, que pour son aspect historique (tant du point de vue des faits exposés... que du point de vue du contexte historique dans lequel il a été tourné). À découvrir... à moins d'être totalement allergique aux films allemands sous-titrés en français.
marchiavel
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le 9 avr. 2012

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