La première incursion de Sydney Pollack dans la comédie partait à mes yeux avec un important handicap, le ressort comique du travestissement m'ayant toujours laissé dubitatif - déjà gamin je pouvais pas piffrer Mrs Doubtfire.


Et effectivement, si le talent de Dustin Hoffman n'est pas en cause, encore moins son investissement, je ne fais pas partie de ceux qui auront trouvé hilarante sa transformation en Dorothy Michaels. En tant que pure comédie, "Tootsie" m'aura comme prévu laissé sur ma faim.


Cet humour vaudevillesque à base de quiproquos, où ça braille et gesticule à qui mieux mieux, est en outre rendu obsolète par 35 ans de sitcoms télévisuelles. Je veux bien croire que l'audace et l'efficacité du film étaient plus grandes à sa sortie en 1982, mais la comédie est le genre qui vieillit le plus mal (et le plus vite), c'est bien connu.


Heureusement, le film de Pollack est aussi une satire d'une certaine télévision américaine, faisant la part belle aux afternoon dramas et autres soaps insipides - parfois tournés en direct -, où le rôle des femmes n'apparaît guère reluisant.
"Tootsie" hérite ainsi d'un second niveau de lecture féministe, où l'homme prend conscience de sa goujaterie par le biais de son déguisement, effet miroir qui lui renvoie le caractère lâche et odieux de ses propres comportements envers la gent féminine.
Une célèbre interview de Dustin Hoffman donne de la consistance à cette lecture du récit.


Dommage que cet aspect ne soit pas traité avec davantage de subtilité : sous couvert de la comédie, les grosses ficelles narratives sont en effet de sortie.
Tout apparaît trop facile, du travestissement lui-même à la séduction immédiate opérée par Tootsie sur à peu près tous ses congénères, en passant par la réconciliation finale et les changements dans les dialogues effectués par la comédienne, sans que personne du staff n'y trouve à redire…


Finalement, ce que je retiendrais pour ma part de "Tootsie", c'est plutôt sa touche légèrement mélancolique, relative à ces rues de New York du début des eighties, à ce milieu des comédiens fauchés, à ses personnages tous plus ou moins paumés, joliment illustrée par une bande originale douce-amère, assez kitch mais tout à fait représentative de cette émotion.

Créée

le 3 déc. 2018

Critique lue 661 fois

6 j'aime

7 commentaires

Val_Cancun

Écrit par

Critique lue 661 fois

6
7

D'autres avis sur Tootsie

Tootsie
Torpenn
6

De mâle en pis

Tootsie est une gentille comédie des 80's qui fonctionne principalement sur le fait de voir Dustin composer un personnage féminin haut en couleur... Autour de son personnage d'acteur exigeant un poil...

le 28 déc. 2012

18 j'aime

11

Tootsie
VirginiA
8

"I've been brainwashed."

Un peu comme Working Girl, Tootsie appartient à une époque où aborder des sujets aussi glissants que le genre, l'identité sexuée et la sexualité, donnait un résultat qui peut faire bondir à plus d'un...

le 24 sept. 2013

15 j'aime

2

Tootsie
cinemusic
10

L'homme est une femme comme les autres!

Sidney Pollack est décidément un réalisateur éclectique:après s'être essayé au drame,western,polar ou encore espionnage voilà qu'il va vers la comédie. Un comédien, Michael (Dustin Hoffman) considéré...

le 4 déc. 2017

14 j'aime

13

Du même critique

Baby Driver
Val_Cancun
4

L'impossible Monsieur Baby

Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...

le 20 juil. 2017

60 j'aime

15

Faites entrer l'accusé
Val_Cancun
9

Le nouveau détective

Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...

le 2 avr. 2015

50 j'aime

11

Bullet Train
Val_Cancun
4

Compartiment tueurs

C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...

le 4 août 2022

49 j'aime

17