Avec Tora ! Tora ! Tora !, l'ambition de Darryl F.Zanuck était sans nul doute de réitérer l'incroyable succès du Jour le plus long, dix ans plus tôt, en parlant cette fois de l'attaque sur Pearl Harbor, survenue le 07 Décembre 1941. Pour ce faire, les moyens déployés étaient colossaux, avec la participation de l'armée américaine, des réalisateurs américains et japonais pour filmer leurs parties respectives selon leurs pays, l'absence de stars, bref, tout est là pour le spectacle, et le budget de 25 millions de dollars était là pour le prouver.
Sauf qu'en coulisses, ce fut un cauchemar logistique, Akira Kurosawa, le premier réalisateur japonais, a été congédié après deux ans de préparation et quinze jours de tournage, pour être remplacé par Kinji Fukasaku et Toshio Masuda, le tout sous la supervision de Richard Fleischer durant les sept mois interminables du tournage.
Mais de ce fait, le mérite de Tora ! Tora ! Tora ! est d'être assez franc sur les coulisses, la préparation, et l'attaque en elle-même, où l'ingérence des autorités américaines est clairement mise en avant. En particulier à Washington, où tout le monde sous-estimait l'armée japonaise. En cela, dans une production (en partie) américaine, je trouve ça assez courageux, loin du film patriotique auquel on aurait pu s'attendre. De plus, le film étant clairement découpé avec ses parties américaines et japonaises, où chacun avait son équipe technique dédiée, il donne aussi la part belle au camp ennemi où là non plus, tout le monde n'était pas chaud sur l'idée d'attaquer une base américaine sans déclaration, dans une totale surprise.
Ce qu'on verra dans la dernière partie, l'attaque donc, qui est encore très impressionnante aujourd'hui, avec des tas d'explosions, de la maquette, des avions d'époque reconstitués, de la figuration en-veux-tu en voilà, le tout sans musique (Jerry Goldsmith quand même), ni tentative d'héroïsme dans un camp ni dans l'autre. Bien entendu, il est difficile de parler aujourd'hui de Tora ! Tora ! Tora ! sans évoquer son pendant contemporain avec Pearl Harbor, de Michael Bay, réalisé en 2001, qui était à la limite du révisionnisme en faisant presque d'une défaite une victoire. Alors que là, c'est clairement perçu comme une victoire, celle des Japonais, tout en reconnaissant qu'ils vont réveiller un colosse, et sans doute le payer cher. Mais dans le clan américain, à ce moment-là, c'est perçu comme une défaite cuisante, la première subie sur leur sol.
En cela, je trouve Tora ! Tora ! Tora ! très intéressant, qui met sans doute du temps à démarrer, et qui est pénalisé par le fait que, se voulant peut-être trop didactique, on nous explique qui est qui. Quant aux scènes japonaises, elles sont parlées dans la langue du pays, c'est un très bon point, mais quand il y a des sous-titres anglais incrustés à l'image, plus des sous-titres français pour qu'on puisse comprendre, ça fait un peu désordre.
Mais ça n'entame en rien le plaisir que j'ai eu à voir cette superproduction, où non seulement l'argent est sur l'écran, mais qui ne tord pas la réalité pour en faire un spectacle patriotique. Ce qui est à l'honneur de Zanuck.