Sorti en salles en mars 54, Touchez pas au grisbi connut un beau succès populaire. Il marque l'avènement du nouveau Gabin, qui avait cumulé les échecs depuis près de dix ans, l'apparition d'un dénommé Lino Ventura et le premier rôle important d'une certaine Jeanne Moreau. Il devient surtout le modèle du film policier à la française, par sa description réaliste du "milieu" et une forme, très neuve pour l'époque, entre chronique sociale sans lourdeur psychologique et scènes d'action brutales qui esquissent une sorte de mythologie du gangster. L'adaptation du roman éponyme d'Albert Simonin, très fidèle, permet à l'entomologiste Becker de recréer un univers populaire, habité par des truands aussi durs que pittoresques, au langage savoureux. Comme souvent chez le cinéaste, c'est l'accumulation de détails qui compose comme une toile impressionniste, extrêmement vivante et alerte. Comme il le disait lui-même : "les sujets ne m'intéressent pas en tant que tels, ce sont les personnages qui m'obsèdent vraiment." Et c'est ainsi que les gestes du quotidien prennent le pas sur l'intrigue sans toutefois gêner sa progression avec une précision quasi clinique pour la catégorie sociale à laquelle appartiennent les dits personnages. A noter que le récit se passe la plupart du temps de nuit, conférant à ce chef d'oeuvre du genre un statut de véritable film noir.