Pour être un moment agréable, Tous les matins du monde ne brille cependant guère par ses qualités cinématographiques.
Distribution hasardeuse, à l'image du duo exécrable Depardieu père-fils et à l'exception bien entendu de Jean-Pierre Marielle, qui n'arrive pas à tout rattraper malheureusement.
À ce titre il partage d'ailleurs un défaut regrettable avec une grande partie du casting : pour un film où la musique tient une place si importante, pas un ne sait réellement jouer à l'exception de la jeune fille incarnant Madeleine lors de la première leçon avec son père, si mes yeux ne me trompent pas.
Et rares sont ceux qui arrivent ne serait-ce qu'à donner le change, dans la tenue et l'attaque de l'archet, le placement et le mouvement des doigts.
Il n'est bien sûr pas question d'exiger de tous les acteurs, tous les talents, mais au moins de faire semblant de façon acceptable. Là on peine un peu à leur accorder ne serait-ce que le bénéfice du doute sur le fait qu'ils aient travaillé leur rôle.
Depardieu père cabotine et surjoue, comme dans le plan fixe initial et comme dans la plupart de ses films récents.
Il prête en outre son organe à la voix off. Déjà que j'abomine cet artifice, mais avec la présence de Gérard en filigrane, là, on touche du doigt le pire, que je n'avais plus approché depuis Romane Borhinger dans La marche de l'empereur, niveau crispation induite par les interventions du narrateur.
Depardieu fils promène, heureusement brièvement, son regard de mérou décédé sur quelques scènes, inondant la caméra de son absence totale de charisme.
Comble de l'ironie, il tient le rôle du bourreau des cœurs. Même le fait qu'il soit le seul homme qu'elles aient vu en 15 ans et à 12 lieues à la ronde, ne justifie pas que les deux filles de Marielle se jettent dans ses bras.
J'ai aussi eu une nausée passagère en voyant Myriam Boyer apparaître à l'écran mais, ouf, ce n'était qu'un second second rôle. Il y a des limites à l'horreur, même pour le cinéma français.
Les textes et la diction, théâtraux au possible, ne permettent pas le moindre naturel, ni d'ailleurs beaucoup d'émotion, même si l'on s'appelle Jean-Pierre Marielle, le seul à faire un tant soit peu illusion une fois encore.
Je m'attarde sur la distribution, car c'est sans doute l'une des raisons majeures qui plombe l'impression laissée par cette œuvre au niveau cinéma à proprement parler.
En dehors de cela en effet, la réalisation est propre, avec quelques moments bien inspirés, comme la promenade au bord de l'étang de Marielle et sa femme pour ne citer que celui-ci.
Le néophyte que je suis aura peu à ajouter sur l'aspect purement technique.
Rien ne m'a particulièrement frappé, que ce soit en bien ou en mal.
J'en viens donc au cœur du sujet, puisque vous commencez avec raison à vous demander pourquoi j'accorde une note si haute : la musique.
Les handicaps relevés précédemment recèlent finalement une importance toute relative.
Le film constitue -presque, entendons-nous bien- un "simple" prétexte pour un concert.
La viole est omniprésente, pour le plus grand plaisir des oreilles, et, alors qu'elle disparaît progressivement pour laisser place à l'intrigue, dont l'intérêt est là encore discutable, on en vient à la regretter rapidement, et amèrement.
Ravissement auditif, les morceaux sont diablement bien exécutés et finalement on en vient à se dire que les acteurs principaux de ce film sont ceux qu'on ne voit pas, ceux qui ont joué ces partitions et envoûté nos sens.
Du reste, il est triste que la relation à la musique soit abordée de façon si caricaturale, idem pour la relation maître-élève ou père-filles, ou bien encore l'ambition professionnelle/politique.
Tout ceci ne plaide pas en faveur du film, je vous le concède.
En conclusion je dirais que, à ma grande déception, la vacuité du scénario ne m'a pas donné envie de lire le livre éponyme, sinon pour la curiosité de voir comment les descriptions des scènes de musique sont écrites.
Lancez le film et fermez les yeux, ça ira tout aussi bien.