D'abord, je suis vraiment ravi : Sophie Marceau lit mes critiques !! Alors que je m'étais plaint dans « Mme Mills » que celle-ci n'avait pas eu depuis longtemps un rôle qui nous permettrait de l'aimer encore plus, voilà qu'elle tourne pour François Ozon un drame, sur un sujet aussi douloureux qu'important : l'euthanasie. Malheureusement, celui-ci n'est clairement pas le grand film que l'on était en droit d'attendre, même si la belle Sophie n'a pas grand-chose à se reprocher, montrant une belle pudeur, une retenue donnant une vraie sensibilité à son personnage, l'interprétation dans son ensemble donnant satisfaction, même si j'avoue être surpris par le peu d'intérêt porté à certains (Charlotte Rampling en premier lieu) et que j'ai beaucoup de mal à savoir si André Dussollier est convaincant ou en fait inutilement trop (reste une vraie curiosité de l'entendre avec cette « voix »).
Le souci, c'est qu'un à peu à l'instar des « Amours d'Anaïs », vu deux jours plus tôt, nous sommes clairement dans l'entre-soi bourgeois. Alors on va me dire : « oui, mais c'est Emmanuèle Bernheim qui raconte son histoire, difficile de faire autrement ». J'entends, mais ce n'est pas pour autant que c'en est plus passionnant ou qu'il est plus facile de se reconnaître en eux. Au moins « Tout s'est bien passé » a t-il le mérite de rendre ses protagonistes plus proches de nous, dans leurs réactions, leurs doutes, ce moment où l'on doit dire adieu à un parent concernant presque chacun d'entre nous.
J'ai ainsi pu globalement me retrouver en eux, y compris dans ce parti pris de ne pas idéaliser un père avec lequel les réactions n'ont manifestement pas toujours été simples (à ce titre, les flashbacks sont soit trop nombreux, soit pas assez, mais en tout cas peu réussis). Reste que tous ces gens
écoutant du Brahms, fréquentant les galeries (ouf, l'héroïne a quand même un coffret Kubrick et regarde des films d'horreur (français!!) : elle est donc humaine), travaillant tous plus ou moins dans les milieux artistiques, n'ayant pas le moindre problème pour claquer 300 voire 10 000 euros rend le message plus difficile à entendre, comme si la question financière
ne se posait presque pas (ce dont Ozon semble d'ailleurs parfaitement conscient, comme il le montre au travers d'une réplique!).
Il y a aussi quelques « détails » pouvant paraître anodins mais qui, accumulés, deviennent problématiques, d'autant qu'ils n'apportent rien :
Marceau oubliant ses lentilles alors qu'on la voit délibérément poser ses lunettes quelques secondes auparavant, qu'elle ne soit même pas au courant que l'euthanasie soit interdit en France, cette histoire de sandwich qu'elle se refuse à jeter, tous ses beaux restaurants fréquentés, le fait qu'on évoque leur judaïsme sans jamais l'exploiter réellement ou cette mise en place inutilement longue : presque trente minutes pour accéder, enfin, au seul sujet du récit, c'est beaucoup. Et encore, je ne parle du traitement assez abject fait au personnage de Gérard ou ce « rebondissement » assez grotesque à base de main courante et de quasi-arrestation :
ça fait vraiment truc de dernière minute ne se justifiant absolument pas.
Bref, si j'ai apprécié le cheminement montrant les différentes étapes du « deuil », l'espoir retrouvé presque aussitôt éteint, l'aspect législatif et la critique implicite du système français de refuser ce droit à ses citoyens, imaginer un récit plus proche de nous que cette très boboïsante autobiographie d'Emmanuèle Bernheim n'aurait pu être que bénéfique, surtout lorsque s'additionne tous les manques évoqués précédemment. Sur un sujet très similaire, même moins bien réalisé, lui préférer « Quelques heures de printemps » de Stéphane Brizé.