N'étant pas un grand fan de Pedro Almodovar, je n'avais vu que quatre ou cinq films de lui, un peu au hasard (surtout les trucs dégueu de ses débuts période movida), sans m'aventurer plus loin. Toutefois, sa réputation m'a poussé à me faire un petit cycle avec quelques films que j'avais sous la main. Parmi ceux-là, j'ai maté Tout sur ma mère, considéré comme l'une de ses plus grandes œuvres et je me sens maintenant obligé d'expliquer ma note un peu tiède.
Contient quelques spoils sans gravité.
Nous avons donc là l'histoire d'une actrice de théâtre qui rencontre l'homme de sa vie, un acteur avec qui elle partage l'affiche d'Un Tramway nommé Désir. Des années plus tard, c'est seule qu'elle élève son fils, à son tour amateur de théâtre. L'élément déclencheur arrive rapidement, le fils prodigue qui porte le même nom que son père, Esteban, qu'elle n'a jamais oublié et qu'il n'a jamais connu, meurt en allant voir son actrice fétiche jouer dans la pièce grâce à laquelle s'étaient rencontrés ses parents. Ah le destin ! Attristée, notre héroïne almodovaresque part à la recherche de la célèbre actrice pour qu'elle lui signe un autographe au nom d'Esteban fils mais également de Lola, qui n'est autre que Esteban père qui a décidé de vivre en femme ! On apprendra ensuite que ce-dernier ayant changé son apparence sans hormones a pu maladroitement mettre enceinte une bonne sœur (la charmante Pénélopé Cruz) ! Si on ajoute que l'idole du défunt fils a une relation lesbienne, on a un peu près fait le tour de tous les LGBT, à qui on associera très vite l'Amour de l'Art (dit de manière un peu snob) mais aussi la prostitution et le sida c'est évident.
Rien de mal dans tout ça me direz-vous, c'est même une histoire sacrément originale et obligatoirement écrite avec de bonnes intentions et beaucoup de sincérité vu la sexualité du réalisateur. Peut-être, mais tout sonne forcé et ne reposant que sur des grosses coïncidences, ce qui fait que j'ai eu du mal à pleinement croire à cette histoire et donc à m'émouvoir devant celle-ci. La force du Pedro étant de rendre unisexes et universelles, ses histoires de femmes et de minorités LGBT mais trop de malheurs tue toute tentative d'émotion. Il y a en fait TOUT Almodovar dans ce film SAUF la folie. Dans un genre de délire too much assumé, comme aurait pu le faire un Araki ou dans une moindre mesure un Dolan, ou comme l'a parfois fait Almodovar lui-même (même si c'est raté dans Les Amants passagers), cela serait mieux passé qu'avec ce ton de mélo (qui évite tout de même le tire-larmes, il est juste de le signaler). Le casting est bon sans vraiment être épatant ; les personnages sont tout de même attachants mais ce n'est qu'à la fin du film que j'ai commencé à être sensible à leurs histoires.
Almodovar dédie son film aux actrices qui ont joué des actrices et cite allègrement les chefs-d'oeuvre que sont All About Eve et Opening Night, pourtant c'est un sujet peu abordé. Il y avait bien plus à dire. Il aurait pu y avoir une relecture aussi très intéressante d'Un Tramway nommé Désir, une sorte d'analyse méta où l'acteur incarnant le symbole de la virilité finit par devenir une femme et où les deux femmes rivalisant pour son amour partent finalement toutes les deux ensemble. Almodovar nous met ça en place mais n'en fait finalement rien. On comprend bien son amour pour la pièce et son auteur et en tant que fan moi-même, j'aurais aimé qu'il développe un peu plus. On a tous quelque chose en nous de Tennessee...
Bref le film parle de plein de choses mais ne dit rien sur rien. Almodovar tient de belles idées pour un film sur le théâtre mais préfère nous pondre un film se voulant très ouvert, quelque peu whatthefuckesque et volontairement provocateur d'une bonne sœur attendant l'enfant d'une prostituée transsexuelle. M'ouais... Ajoutons que le rythme est mou et que la mise en scène est peu travaillée (par rapport à d'autres de ses films, ça ne méritait pas le prix reçu à Cannes) et vous comprendrez j'espère que malgré toute l'affection que je peux porter à ce film, il me paraît quand même bien surestimé. Cela me désole franchement car l'on a frôlé le très grand film.
Je lui préfère finalement les Almodovar malsains comme Attache-moi ! ou La Piel Que Habito (les meilleurs rôles d'Antonio Banderas) qui ont une véritable ambiance et un propos plus recentré. C'est donc toujours avec une certaine crainte que je tenterai prochainement ses autres films cultes que sont Talons aiguilles et La Mauvaise éducation. En attendant, j'ai beaucoup de mal à me faire un avis sur Parle avec elle auquel j'accorde pour le moment un point de plus. Y en aurait long à dire aussi sur celui-là...