Esteban est un jeune homme, pas encore dix-huit ans révolus, un écrivain en herbe qu'il est, un observateur. Son œil et son crayon guettent les pas de sa mère, elle, elle dont la charge est de planifier les transferts d'organes, d'un manque, d'une carence à la plénitude. Pour son anniversaire, Esteban reçoit des mains de sa mère des places pour aller voir jouer Un Tramway nommé Désir. Son actrice fétiche y tient l'affiche, il souhaite en avoir l'autographe en fin de représentation, il n'aura que le corps fauché par un automobiliste. La mort du fils laisse Manuela, la mère, dans un état d'horreur, tant et si bien qu'elle se retrouve alors à se voir poser la fatidique question du don d'organe comme une coïncidence par trop ironique. Son temps s'avère désormais révolu, il est l'heure de plier bagage, de partir, non pas à l'aveuglette, Manuela a un projet en tête ; retrouver sa Barcelone d'il y a dix-huit ans connue, pour y chercher le géniteur d'Esteban. Tout sur ma Mère nous réserve encore tout son mystère tandis que je préserve toute révélation d'importance...


A mon sens, on est devant un chef d'œuvre du cinéma dramatique. Ne tombant jamais (ou peu) dans un pathos honteux et tire-larme, Tout sur ma Mère est pourtant terrible ; il brise le cœur, nous renvoyant à nos manques, aux vies sacrifiées de nos fantômes personnels. Mais pas uniquement. Certes, l'expérience filmique s'avère douloureuse à bien des aspects ; beaucoup de sujets (dont le traitement se doit de poser les bonnes questions et c'est le cas ici) sont évoqués comme le transsexualisme, le sida, l'état mélancolique etc. L'expérience est douloureuse, disais-je, elle est également délicieuse. Une drôlerie légère et fine comme Almodovar sait si bien la mettre en scène. Il y a les pleurs et il y a l'agréable (qu'incarne brillamment le personnage d'Agrado), une vie en somme ; jamais de demi-mesure, autant de soucis que de moments de gloire.


Par habitude ou plutôt par passion, la femme est mise, ici, en avant. Elle se sublime par ces hommes qui ne se sentent pas comme tels, par ces femmes, ces mères, ces filles et amies, toutes combatives, toutes uniques. La femme est présentée comme sûre d'elle, jouant souvent un double jeu par le biais de la pièce de Tennessee Williams, non sans faiblesses humaines, c'est ainsi. Un féminisme jusqu'au bout des ongles incombe de laisser place à la réalité des travers (la drogue ici), des désirs et des regrets.


Un film d'une beauté sublime, d'une atmosphère maternelle et maternante dont on ressortirait en un cri.

Fosca
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le 29 nov. 2016

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Fosca

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