Ce sont les combats d’une grande artiste, Nan Goldin, qui sont au cœur de ce film : combats intimes contre son propre chaos intérieur et ses pulsions autodestructrices, combats contre l’indifférence et l’oppression sociale.
Mêlant subtilement son histoire personnelle et sa lutte contre les Sackler, famille de l’industrie pharmaceutique à l’origine de la crise des opioïdes, immense scandale qui secoue les États-Unis depuis les années 2010 et ayant causé la mort de plus de 500 000 américains, il nous immerge dans la vie de Nan Goldin, dans son parcours d’artiste lié à une souffrance originaire.
Elle est profondément marquée par le suicide de sa sœur aînée à 18 ans, à qui est dédié le film, qui avait été placée dans des familles d’accueil et hospitalisée notamment pour ses penchants homosexuels qui contrevenaient au souci de respectabilité sociale de ses parents. C’est ce trauma qui donne naissance à sa vocation de photographe. Elle rencontre David Armstrong à 15 ans, forme avec ses amis une communauté qui a hautement conscience de sa marginalité. Ce sera le sujet de son oeuvre. Les souffrances et la beauté d’une communauté d’amis gay, queers, lesbiennes, artistes de l’underground new-yorkais des années 70 et 80. Le film établit un lien entre la trame de cette vie d’artiste, construite autour d’une volonté de donner une visibilité à cette communauté de marginaux et à ses souffrances, notamment à cause de l’irruption du sida, et le combat contre le rouleau compresseur de l’industrie pharmaceutique des Sackler, qui symbolisent le dévoiement, le cynisme et l’immoralité du capitalisme américain.
La mise en lumière de la personnalité de Nan Goldin, sa profondeur, sa lucidité, son engagement, donne toute sa force au film. Sa fidélité aux marginaux, à ceux qui sont broyés par des conventions sociales qui ne les reconnaissent pas, porte une dimension quasi christique. C’est l’un des aspects les plus bouleversants du film. La puissance de l’artiste, par la force de son oeuvre et la justesse de son combat, est supérieure au pouvoir capitaliste et à celui de l’establishment qui finit par flancher et retire le nom de Sackler dans plusieurs salles de grands musées internationaux.