Le film nous présente le personnage de Valentine, une étudiante, incarnation de beauté de l’innocence, semblant mener une vie heureuse, jusqu’au jour où elle écrase malencontreusement un chien.
Ce chien appartient à un juge, à la retraite. Ce dernier vit reclus. Son seul contact avec le monde extérieur se fait au travers des écoutes illégales des lignes téléphoniques de ses voisins.
Elle trouve initialement la nonchalance du magistrat envers le délit qu’il commet impardonnable, mais la bonté de sa nature lui empêche toute dénonciation, et la poussera à mieux connaitre les rouages de cet individu.
Valentine et le Juge développent alors un lien, aussi étrange qu’inexorable.
Joseph Kern (le Juge), qui a vécu une vie triste et effacée, en viendra à éprouver des sentiments, et même une certaine forme d’amour envers Valentine.
Valentine vit près d’un autre juge, plus jeune lui, qui a une ressemblance frappante avec Kern.
Renvoi encore un fois saisissant aux chois de passé, et à la sempiternelle question de leur conséquence sur notre vie d’aujourd’hui.
« Et si ? »
…
« Et si Irene (Valentine) était née il y a 40 ans, le viel homme aurait-il été son âme sœur ? »
« Et si le jeune juge était en fait cette âme sœur tant recherchée, nous en voulons pour preuve ses multiples traits identiques à ceux du vieux magistrat ? »
Nous, audience, avons la complète connaissance de ces faits, et Valentine ne l’a simplement pas. Et c’est habilement mis en scène et insinué par Kieslowski dans chaque plan ou est notre protagoniste.
A ceci s’ajoute, toujours aussi habilement le thème de la rencontre manquée. Celle qui n’a pas lieu en Auguste et Valentine.
Ils sont proches physiquement, mais ne se rencontre pas
Ils se croisent, mais n’interagissent pas.
Ce sont peut-être deux êtres parfaits l’un pour l’autre, mais ils en seront ignorant toute leur vie.
Nous sommes face à un film riche en thèmes. On notera en particulier, la récurrence et l’interconnexion, l’espoir contre la désillusion, la nature même de l’Amour et enfin l’attirance et la jalousie.
Si vous cherchez des œuvres qui ouvrent un dialogue avec vous, « Rouge » est un film particulièrement loquace (une attention particulière devra être portée au dialogue entre Valentine et le Juge).
Dans cette conversation avec le film, s’attache particulièrement aux questions suivantes :
Notre place dans l’univers serait-elle la même si nôtre âge était différent ?
Un individu peut-il changer du tout au tout votre vie ?
Kieslowski était fasciné par la nouvelle de Kierkegaard, « La répétition ». Celle-ci traite, entre autres, de la question du retour en arrière.
« Ne serait-il pas merveilleux de remonter le cours de notre vie à volonté, tout en conservant la connaissance et les expériences qui nous façonnent aujourd’hui ? »
Et c’est cette question qui transparait dans la trame de son film, la possibilité que Valentine soit heureuse avec une version plus jeune du Juge, ayant transcendé ses erreurs de jeunesse
Kieslowski réussi à nous porter avec une narration réussie sur l’amour, qui de temps en temps, frôle le fantastique. L’apogée est atteinte lors de la scène finale, conclusion brillante et mesurée, et liaison avec les autres films de la trilogie.
Mélancolique, presque lypémaniaque et pourtant portant un regard positif et enthousiaste sur la Vie, « Rouge » est un couronnement cinématographique, une ode à tous ces chemins que nous n’avons pas pris.
Des la trilogie, c’est assurément mon préféré, de part le lien émotionnel que j’entretient avec lui…