On le comprend dès le début : Julian, un quinqua madrilène qui vit seul avec son chien Truman, est malade. Il reçoit un jour la visite de son meilleur ami Tomàs, venu spécialement du Canada. Comme s'il y avait urgence.
Et urgence il y a en effet. Sous ses dehors désinvoltes et souriants, Julian sait que le mal gagne en lui chaque jour un pouce de terrain supplémentaire. Il est donc moins question de tenter de lutter contre lui que de se préparer doucement au grand voyage.
Ce personnage m'a bouleversée, tant il sait épargner les autres de la tragédie qu'il traverse, tant il se refuse à leur devenir un poids. Richard Darin (déjà vu dans le remarquable Dans ses yeux) prouve une fois encore, avec un indéniable charme, qu'il est un acteur sensible et complexe, qui possède un talent certain pour les grands rôles dramatiques.
Mais là où ce film est excellent, c'est justement dans l'intelligence qu'il met à contourner tous les écueils. Son terrible sujet aurait pu le faire fâcheusement glisser sur la pente sirupeuse du pathos ou du sentimentalisme tire-larmes - mais à aucun moment il ne s'y vautre, ni ne choisit la facilité ou la commisération.
Il se démarque au contraire par son traitement pudique, sobre et plein de retenue, tout en nuances. Je retiens cette élégance dans l'émotion qui se livre par un simple regard échangé entre ces deux amis qui osent à peine se dire leur indéfectible affection.
Et puis il y a ce chien, entre eux, ce trait d'union sans paroles mais tellement touchant, celui dont tout le monde parle, que tout le monde reconnaît dans la rue, totalement assimilé à son maître. Maître qui a bien du mal à lâcher prise, à renoncer à ces yeux pleins de tendresse inconditionnelle qui le suivent depuis tant d'années.
Que de moments poignants au bord des larmes, que de scènes déchirantes qui se jouent dans le silence... Ce duo d'amis sur le point de se dire adieu m'a renversée de sa justesse pudique qui dit si bien la difficulté des hommes à exprimer leurs émotions mais aussi le peu de mots dont ils ont besoin pour se comprendre et s'aimer.
La différence hommes/femmes est également très bien analysée : la soeur de Julian s'emporte, refuse et regimbe en hauts cris; les hommes échappent à ces manifestations lyriques - mais n'en demeurent pas moins émouvants. Il est question de la façon dont chacun gère son chagrin, d'un père et d'un fils qui s'étreignent, d'un homme qui pleure après avoir fait l'amour, des irréversibles départs et des gestes qui disent la confiance et l'amour.
Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.... Si ce que disait Cocteau est vrai, alors ce film le montre de façon absolument magistrale.
Porté par ailleurs par une photographie très réussie qui sublime les regards et les corps, Truman est un film magnifique et délicat qui nous parle d'amitié avec une élégance incomparable.
A voir absolument.