Dans l’austérité des superproductions russes, le grandiose se construit par un travail invisible et acharné. Est-ce une faute si Lounguine paraît l’atteindre en spectateur, contemplant l’abyme dans l’attente qu’il regarde en lui ?
Son biopic d’Ivan le Terrible brûle beaucoup de bois mais ne casse pas des briques. Par le feu, il immole des constructions guédelonesques comme des sacrifices au Dieu cinéma, ce qui, à l’intsar de la star, n’est pas très orthodoxe.
La prestance des acteurs est folle, et il y a un grand cœur froid qui fait battre d’un beau sang glacé le règne reconstitué d’un grand nom de l’histoire russe. Mais la décadence se mêle à la déliquescence et l’hérésie à l’hystérie ; la folie criarde qui guide les tortionnaires à la solde d’Ivan, tout comme les détracteurs voulant paresseusement le renverser, sont des icônes manichéennes (!) et fades sous l’égide d’un scénario auquel on est soumis plus qu’il ne nous est proposé.
L’image est belle ; un regard torve est éborgné par l’ombre, un ours pacifique devient un acteur sanguinaire, et tout prend vraiment des airs de signe divin sous le vernis symboliste de Lounguine. Mais elle ne referme aucun secret. Quand une idée propose de se métamorphoser en quelque chose de plus, elle est réduite en cendres, sans que l’interprétation puisse l’absoudre d’une quelconque manière.
Comme cette fillette tenant à son icône comme à un doudou et à qui la Vierge dit que les ours ne lui feront pas de mal ; elle est elle aussi seulement de passage dans la folie d’Ivan Vassiliévitch. Rien ne la trouble plus que des ondes fluettes et les images finissent par s’enchaîner mécaniquement.
Quantième Art