https://www.youtube.com/watch?v=cHMe6DorlZ8
Alors que la couleur annonce comme une friandise, une petite bulle de bonheur, Lady Killers s'avère sombre, anguleux et oppressant. Et pourtant, de cette histoire judicieusement pensée, soigneusement structurée, naît l'étincelle zygomatique.
C'est à la fois féroce et débordant d'empathie, un équilibre précaire où l'ambiance est lourde et légère, ça tient à peu, c'est du velours. Un monde parallèle, un peu magique, où tout est de travers, un peu en biais.
Ça commence par ce plan sur cette bicoque tarabiscotée du bout du bout de la rue, vestige d'un autre temps, coincée entre des immeubles mastodontes, mais toujours debout.
Un plan simple, anodin mais annonciateur.
Quand madame W. sort de sa maison, elle semble flotter et tout avec. Madame W. c'est l'archétype de la vieille anglaise emmerdeuse qui jacasse tant qu'elle n'a pas son thé. Elle a quelque chose de fascinant, une sérénité constante, un ironie mordante. Cette certitude qui construit des Empires et la crédulité qui les faits s'écrouler. Une anglaise pur jus.
Puis, soudain, le vent tourne. Il fait plus froid, le tonnerre gronde et la pluie vient. Une ombre recouvre le quartier, des malfaisants s'intéressent à elle et à sa maison. La voilà partie intégrante d'un plan machiavélique. Elle, pauvre folle, accueillante, droite comme i, n'a rien à faire avec ces types tordus comme des s.
Alec Guinness et ses drôles de dents, est le cerveau de l'affaire. Il a tout préparé, tout calculé. Un don naturel pour l'obséquieux, une constance dans le malsain, un air vicieux à nul autre pareil. Un tel talent, ça force le respect. Il a tout prévu sauf le grain de sable, la vieille casse-nougats n'est pas si dupe.
Et aux ruisseaux de la colère, peu s'en faut. Quand d'autres fuient, elle dispose.
Katie Johnson est impressionnante, minuscule mais ferme quand il s'agit de jouer du maillet. Elle est une ode à l'économie de jeu, tout dans la façon de ciller, c'est une brindille avec une main de fer. Comme Lo Lieh.
Et elle traverse le film comme si elle était installée sur un nuage, en pilotage automatique.
MacKendrick filme ses acteurs (dont le débutant Peter Sellers) avec précision, se joue des décors confinés, qui peinent à tous les contenir sans heurts et réussit un délire excentrique, un peu méchant, un peu gothique, toujours drôle, raffiné et cocasse, sournois et mélodieux, un peu ombrageux et foutrement caustique.
Une petite bonne femme, toute vieille, coincée entre des malfrats mastodontes. Mais toujours debout.
Bye bye et que Dieu te garde.
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