Le titre résume très bien la chose : Umberto D. est un vieil homme, anonyme, qui, comme sans doute des tas de retraités vivants seuls, n'arrive plus à joindre les deux bouts, pressé par sa locataire qui lui demande ses arriérés, et des dettes qui s'accumulent. Sa petite retraite de fonctionnaire ne lui suffit plus à vivre dans des conditions pourtant très modestes, et c'est une question de survie qui va s'engager pour lui, et son chien, Flyke...
Le film appartient à ce courant italien du cinéma, le néo-réalisme, et il faut dire que Vittorio De Sica, pour qui c'était ce qu'il a fait de mieux dans sa carrière, a réalisé quelque chose de magnifique, très loin du tire-larmes attendu.
Tout le film est une recherche permanente pour ce vieil homme de trouver de l'argent afin que lui et son chien puissent trouver un toit à la nuit suivante, il va manger dans des soupes populaires, et va même tenter de rester plus longtemps que prévu dans un hôpital pour un fièvre au fond sans gravité.
Mais ce qui le rend admirable, c'est qu'il reste digne, ne faisant pas comme certains qui vont pratiquer la mendicité pour grappiller quelques lires. C'est plutôt le regard des autres qui est gênant pour nous spectateurs, car ils sont toujours à se défiler quand Umberto va leur demander de l'argent, et qu'ils prétextent d'un coup une urgence.
Il y a cette scène bouleversante où Umberto va se résoudre à mendier, d'abord en utilisant son chien qui tend son chapeau afin d'attendrir les passants, puis il fait la manche lui-même. Un homme est sur le point de lui donner de l'argent, quand soudain, pris de remords, il retourne sa main, comme si il voulait voir qu'il pleut ! Dans cette scène-là, toute la dignité de l'Homme (avec une majuscule) est là, plier la branche, mais ne pas rompre.
On pourrait penser à du Chaplin en voyant ce film, l'acteur, Carlo Battisti, a une petite ressemblance. Car le film se veut au fond très humaniste, et veut toujours pointer vers le soleil, même quand tout semble perdu, à l'image de la fin.
Porté par des acteurs magnifiques, dont le fameux Umberto, qui ne fut pas un acteur et ce fut le seul rôle au cinéma, j'avoue que l'émotion est venue à plusieurs reprises en voyant à quel point ce vieil homme semble rongé par la difficulté, mais qui ne voit que dans le regard du chien, et celui compatissant de la bonne, quelque chose qui le tient encore debout.
Ce film est également le premier rôle de Maria-Pia Casilio, qui joue la bonne de l'hôtel où loge Umberto, et elle constitue le seul appui moral sur qui s'appuyer. Son personnage est en soi très audacieux dans l'Italie de l’après-guerre, où la religion fut très forte ; son jeune âge fait qu'elle doit cacher son début de grossesse, mais en plus qu'elle ne sait pas qui serait le père, car vivant deux relations à la fois. L'avortement étant impossible à cette époque, elle doit garder le silence sur son état de future fille-mère, au risque de se faire licencier, et Umberto constitue son confident, où cela fait de très belles scènes. Ce vieil homme étant sans famille apparente, c'est dans ces moments-là, qu'il agit en tant que père, et qui quelque part lui fait dire qu'il y a pire que lui.
Il y tant à dire sur ce film, qui est en plus très soigné au niveau de la mise en scène, mais j'en suis ressorti bouleversé par le propos, la manière dont De Sica et son scénariste Cesare Zavattini, l'ont réalisé, car il n'en ressort rien de misérabiliste, mais qui reste dans une grande dignité.