Ce film retrace le braquage d'une banque qui a eu lieu à Brooklyn en août 1972. La canicule que l'on nomme également "après-midi de chien " nous est montrée à travers différentes scènes qui mettent en évidence les inégalités sociales :
un homme qui arrose son jardin, un autre qui arrose le trottoir, une entrée d'autoroute bondée, un avion qui vole, des joueurs de tennis, des ouvriers qui refont une route, des gens qui se prélassent sur la plage, un homme qui dort dans la rue.


Puis un plan de coupe où l'on voit une voiture garée avec trois personnes à l'intérieur. Le braquage d'une banque se met en place. Il ne devait durer que quelques minutes mais rien ne va se passer comme prévu. L'un des braqueurs préfère abandonner ces deux complices, Sonny (Al Pacino) et Sal (John Cazale). Une dizaine de personnes vont être retenues en otage suite à une multitude de maladresses, d'événements que les deux braqueurs ne contrôlent plus du tout et qui vont s'accumuler. S'ils restent malgré tout des criminels, on comprend toutefois qu'eux-mêmes sont terrifiés.


Sidney Lumet va très subtilement nous aider à comprendre le geste de ces deux braqueurs en nous dévoilant leurs vies privées. Sony, le meneur, marié à une femme, père de deux enfants, mais également marié à un homme, sa mère qui l'étouffe, tous lui parlent beaucoup mais aucun d'entre eux ne semble l'écouter et encore moins le comprendre. Leurs paroles ne sont que colère et reproches. Lui essaie de les rendre heureux, d'obtenir leur amour, leur soutien mais il n'y arrive pas.


Ce braquage devait servir à aider son mari à financer une opération qui lui permettrait de changer de sexe. Une conversation téléphonique entre ces deux personnes est l'un des pivots du film. Ils se parlent mais ne se voient pas. C'est une scène très émouvante.


Une connexion entre lui et les passants va se créer. Lorsqu'il se sent en danger de mort face à une foule de policiers prêts à l'abattre, il crie : "Attica ! Attica!". (C'est la plus grande émeute de l'histoire carcérale de New York majoritairement organisée par des détenus noirs).
Dans la foule, chaque groupe s'approprie la situation pour mettre en avant ses propres revendications : dénonciation de la violence policière, défense des droits des homosexuels, des personnes de couleur, un livreur de pizzas que l'on applaudit et qui se prend "pour une vedette", les dérives de la télévision qui attisent des tensions déjà existantes.


La chaleur s'accentue en même temps que la situation s'envenime. Une scène est très émouvante : Sonny sentant que la situation lui échappe complètement ressent le besoin de rédiger son testament laissant aux personnes qu'il aime l'argent de son assurance vie.


On apprend que ces deux braqueurs sont des anciens combattants du Vietnam. Sal se contente de suivre Sonny, il est presque mutique mais remarquable d'intensité. Son regard exprime tous les traumatismes de cette guerre et le retour sans doute très difficile au pays. Son amitié est sans faille et il serait prêt à tuer pour Sonny.


Puis la situation évolue. Les deux complices se retrouvent dans une voiture qui doit les conduire à un aéroport, entourés de quelques otages et d'un représentant de l'ordre. La pression est intense. L'homme demande à Sal de redresser son arme qu'il braque sur lui, il s'exécute immédiatement encore très certainement conditionné par des ordres reçus pendant le Vietnam. Ce qui lui coûtera la vie. C'est violent, brutal. Un grand angle et tout le monde sort de la voiture. Puis un gros plan sur Al Pacino qui tremble, un revolver sur la tempe.


Sidney Lumet nous démontre qu'il est l'un des plus grands réalisateurs américains par sa volonté de toujours mettre en avant les acteurs et leurs prestations (et quelle prestation d'Al Pacino !) et de rendre presque imperceptible sa réalisation qui pourtant est d'une maestria que l'on ne peut qu'admirer.


Il y a divers éléments qui nous laissent penser que le réalisateur nous parle directement de cette "cocotte minute" prête à exploser qu'est le climat sociétal de l'époque : les conséquences de la guerre du Vietnam, les tensions raciales extrêmes (Attica), la marginalisation d'une tranche de la population ( homosexuels, hommes de couleur, femmes qui élèvent seules leurs enfants ...).


Au delà de cette canicule, de cette chaleur étouffante, le spectateur va lui aussi "suffoquer" en suivant le parcours de Sonny. Son agitation extrême couplée à une hystérie ambiante rendent la situation très difficilement respirable retranscrite à la perfection par Sidney Lumet. Le film est presque un huis clos.


Les otages également représentent les différentes classes de la société américaine : La puritaine, la femme qui travaille et qui doit gérer en même temps sa famille sans l'aide de son mari pour les tâches ménagères, la femme forte qui assume pleinement ses décisions, l'homme de couleur payé pour dresser le drapeau américain chaque matin devant l'entrée de la banque...


"Un après midi de chien " se révèle être le microcosme de la société américaine des années 70.

Jim_Witt
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mon top 100 films, Hommage rendu à John Cazale et Les meilleurs films de Sidney Lumet

Créée

le 27 oct. 2018

Critique lue 1.2K fois

22 j'aime

18 commentaires

Jim_Witt

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

22
18

D'autres avis sur Un après-midi de chien

Un après-midi de chien
zombiraptor
9

Braquage à lapin

Trois types qui braquent une banque, j'ai décidément un intérêt inlassable pour les scénarios anorexiques. Il n'y a qu'eux qui soient assez limpides pour l'expression d'une mise en scène sans nulle...

le 11 janv. 2015

116 j'aime

18

Un après-midi de chien
Mr_Jones
9

Un après-midi de chien ou "comment passer un put*** de bon moment"

Basé sur un fait divers réel qui s'est déroulé à Brooklyn durant l'été 1972, Dog Day Afternoon raconte un braquage où rien ne se passe comme prévu et relayé en direct par les médias télévisés. La...

le 8 sept. 2011

61 j'aime

Un après-midi de chien
Vincent-Ruozzi
9

Chienne de vie

Deux ans après leur première association dans Serpico, Sidney Lumet dirige à nouveau Al Pacino en acteur principal dans Un après-midi de chien. Retournant dans la jungle urbaine new-yorkais et son...

le 16 mai 2019

48 j'aime

16

Du même critique

Mad Max - Fury Road
Jim_Witt
8

Mad Max Fury Road par Jim_Witt

Si vous regardez le dernier Mad Max Fury Road prenez le temps de regarder les bonus. Vous verrez tout le travail réalisé en amont de ce film. C'est impressionnant. Vous découvrirez que George Miller...

le 18 juin 2017

29 j'aime

17

Police fédérale Los Angeles
Jim_Witt
8

Contrefaçons ? Vous avez dit contrefaçons ?

(cette critique est susceptible de contenir des spoilers) Friedkin a déclaré : "ce film parle d'un monde de contrefaçons". Dès le début du film, un policier que l'on perçoit intègre se fait tuer...

le 22 juin 2018

26 j'aime

5

Louis Jourdan
Jim_Witt
8

Louis Jourdan

J'avais beaucoup aimé Louis Jourdan dans le film "lettre d'une inconnue " de Max Ophüls. J'avais envie d'en savoir plus sur lui, sa filmographie, sa vie de comédien. J'ai donc acheté ce livre dont...

le 29 févr. 2020

23 j'aime

21