Ma tardive découverte du Dog Day Afternoon de Lumet m'a laissé un arrière-goût assez désagréable. Du prolifique cinéaste, j'ai pourtant adoré Failsafe et surtout 12 AM, mais je dois dire qu'ici, ma confiance aveugle m'a vu rapidement déchanter devant le spectacle sinistre et par moment carrément glauque auquel j'ai eu le sentiment d'assister.
Pour un fervent admirateur de Cronenberg, LVT et Noé, il y a de quoi sourire. Mais j'ai trouvé qu'il y avait, dans cet après-midi canin, quelque chose de beaucoup plus dérangeant et caustique que dans les brûlots les plus provocateurs de ces ardents pyromanes.
C'est peut-être parce que le pessimisme rampant qui semble accompagner avec une minutieuse dévotion l'écriture dans chacun de ses chapitres se camoufle ici derrière la -toujours très dérangeante- notice "Tiré d'une histoire vraie", un préambule qui est toujours prétexte à son auteur pour raconter les plus invraisemblables sornettes aux oreilles laissées imprudemment béantes de son audience rendue ainsi crédule.
Peut-être aussi parce que cette promesse est ici respectée dans une raisonnable mesure, et que si je ne trouve aucune vérisimilitude dans la façon dont sont dépeint les évènements autour desquels le script s'articule, celui-ci en suit le déroulement réel avec une apparente religiosité.
Ou peut-être encore parce que le style naturaliste de Lumet et ses talents de direction d'acteurs contribuent à donner un cachet authentique à cet étalage crade et bruyant de ce que l'on peut voir et imaginer de pire chez l'être humain, et où rien ni personne n'est à sauver : Les policiers sont incompétents et dangereusement maladroits, la foule est naturellement d'une bêtise et naïveté crasse, puis tout simplement vulgaire, le journaliste interviewer est un idiot, les femmes du personnel bancaire sont toute plus ou moins des cruches, Sal sait à peine prononcer des voyelles et au milieu de ce marasme, le seul personnage qui ait été quelque-peu héroïsé et rendu sympathique, Wojtowicz, est celui qui, dans la réalité, était probablement le plus crétin de toute l'avenue (archives de documentaires et entretiens depuis le dépeignent comme un idiot et un pervers notoire).
Ainsi, le script nivelle plus ou moins tous les pions intervenant dans cette pantomime délirante au même degré d'humanité et de sens commun, mais en quelles fins ? Pour humaniser, encore une fois, les truands en désespérés dans un contexte de crise (là encore, le personnage réel ne colle en rien à cette étiquette, ce qui est dérangeant à plus d'un égard) ? Pour taper, encore une fois, sur les médias voyeurs (un exercice toujours hypocrite au cinéma, il faudrait un jour s'en rendre compte) ? Pour dénoncer la maladresse des institutions dans le traitement de crise ? Ou tout simplement pour dépeindre le portrait au vitriol d'une Amérique à vomir, où plus rien n'est vraiment à sauver ?
C'est peut-être plus que tout autre chose cette ambiguïté dans la finalité du propos qui fait de ces deux heures de cris, de sueurs et de discours incohérents et agités d'un Pacino qui cabotine un spectacle véritablement désagréable.