Les premières minutes du film sont hilarantes : un braquage de banque qui se transforme en une prise d'otages fait par des "gentils", des petits gars qui ne savent pas trop comment faire, qui jouent aux méchants mais dans le fond sont tout aussi flippés que les otages... ça m'a provoqué quelques bons éclats de rire : Al Pacino qui veut bomber les caméras de surveillance mais qui est trop petit pour les atteindre, une arme dans un paquet cadeau qu'il essaye de dégainer avec horreur et fracas mais elle reste accrochée bêtement au paquet, bref quelques éléments d'un comique de situation bien maîtrisé et auquel on ne s'attend pas. Progressivement le film glisse vers un ton plus "grave", la personnalité de Sonny se dévoile petit à petit grâce à des personnages secondaires que la police lui ramène : sa femme, sa mère et même son mari qui souhaite changer de sexe... Les dialogues qu'il va avoir avec chacun de ces personnages sont magnifiques de justesse, la complicité qui se crée entre les braqueurs et les otages est presque drôle : on a le sentiment que les otages sont du côté des braqueurs et non de la police ; la foule présente à l'extérieur de la banque a son importance également : elle érige Sonny en héros, parce qu'homosexuel, parce qu'il s'agit d'une banque et qu'un peu de redistribution de richesse ne fait de mal à personne, et par ailleurs on sent bien le contexte politique de l'époque. La défiance vis-à-vis de la police en général est très marquée à cette période dans un contexte de lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis et de racisme toujours très présent : la marche sur Washington de Martin Luther King date d'environ 10 ans plus tôt (1963), et le Civil Rights Act date de 1968. Sonny scande d'ailleurs "Attica" à un moment donné en référence à la mutinerie de la prison d'Attica de 1971 suite à l'assassinat de George Jackson (un militant noir-américain des droits civiques tué par les policiers gardiens de la prison). La narration est bien maîtrisée, jusqu'au bout on espère une issue favorable et on se met à y croire comme Sonny, comme les otages.
En tant que spectateur on hésite longtemps entre la comédie et la tragédie, on ne sait pas trop où on se trouve mais le résultat donne un ton doux-amer au film dans lequel il est très plaisant de se laisser porter, au milieu d'acteurs formidables de charisme et de justesse. Et puis le petit fond politique cher à Lumet est toujours croustillant sous le dent...