Un espion ordinaire fait partie de ces films qui régulièrement tentent de s'imposer sur le devant de la scène dans la catégorie « fictions basées sur des faits historiques » avec plus ou moins de succès.
Toute la nuance se trouve ici dans le mot « basées ».
Mais personne n'a dit qu'il devait s'agir d'un documentaire ; et d'ailleurs, même ce genre de film expose un point de vue qui est forcément biaisé, celui du réalisateur, leur donnant toute leur saveur.
Mais ce n'est pas tant le fait d'exposer un point de vue biaisé qui peut être reproché à ce film, mais bien de le faire d'une manière qui confine à l'habitude chronique quasi pathologique : les Occidentaux sont les gentils, les Russes sont les méchants (et alcooliques pour la plupart, étant donné la tête que fait Khrouchtchev lors de la seule séquence du film dans laquelle il apparaît en plan rapproché).
Un constat qu'il faut néanmoins un peu nuancé puisque le film illustre une entente qui s'est faite entre le colonel soviétique Oleg Penkovsky et un duo formé de la CIA et des services secrets britanniques. Jusque là, rien de bien extraordinaire.
Tout l'intérêt du film repose dans l'identité de la personne recrutée pour servir d'intermédiaire entre les deux parties : Greville Wynne, un modeste représentant de commerce anglais.
Si le sujet peut sembler intéressant mais déçoit par son traitement, il reste néanmoins les personnages au cœur de ce récit et surtout les représentations qu'en font les deux acteurs principaux, Benedict Cumberbatch et Merab Ninidze. Et quelles représentations ! Les deux acteurs sont tout simplement excellents et parviennent à faire passer les émotions avec beaucoup de justesse et d'efficacité. C'est peu dire que le film mérite d'être vu rien que pour l'interprétation de ces deux-là.
Pour le reste, rien de très spécial à relever. Le film s'inscrit dans un ultra classicisme apaisant bien qu'il aurait été appréciable de dynamiser certains moments. Mais non, le réalisateur semble presque vouloir à tout prix éviter cela, les passages les plus à même d'être dynamique étant ceux qui semble s'enchaîner le plus vite.
À noter, si cela peut amplifier un peu la nuance faite plus tôt à propos du manichéisme du long-métrage, que les agents du MI6 sont montrés dans le film comme étant ceux qui refusent de mettre en péril des agents de leur service pour sauver Greville lorsque celui-ci se retrouve emprisonné en Union Soviétique. Qu'il soit avéré ou non que cela ce soit effectivement passé ainsi, c'est une bien simpliste manière d'assombrir un peu le côté "des gentils du film".
Ainsi lorsque l'écran s'éteint et que la salle se rallume, le mot "ordinaire" du titre français prend un sens un peu plus large. Ordinaire, le film de Dominic Cooke l'aura été à plus d'un titre. Très agréable à regarder, du point de vue plastique mais surtout des performances d'acteurs, mais manquant d'ambition, ne traitant que les événements les plus connus autour de cette histoire (la crise des missiles de Cuba en premier lieu) avec un manichéisme certain.
Ma scène préférée :
Lorsque Sheila Wynne rend visite à son mari enfermé en prison en URSS. Elle le retrouve aminci, brisé, mais toujours en quête d'espoir L'alchimie entre les deux interprètes se ressent très bien dans cette scène et la performance de Benedict Cumberbatch est tout particulièrement bluffante.