Une fois n'est pas coutume, je publie deux critiques afin de vous laisser observer l'évolution de mon « regard » sur le film, l'une rédigée en 2012 et la seconde en 2020.
Première critique (8/10) :
Cinquième film de Claude Lelouch et probablement son meilleur, « Un homme et une femme » étonne encore aujourd'hui. Avec un style évoquant la Nouvelle Vague dans ce qu'elle avait de meilleur, le réalisateur transforme un récit terriblement banal en poignante histoire d'amour, que ce soit par l'habileté de sa construction ou l'infinie subtilité de ses comédiens. L'œuvre évite en effet brillamment la répétition pour permettre aux deux héros de s'épanouir sur la durée, chaque phrase, chaque mot semblant avoir été réfléchi pour sonner le plus justement possible.
Non pas que Jean-Louis et Anne se disent des choses extraordinaires, mais on y croit, souvent émus par la tournure que chaque scène peut prendre, Lelouch prenant soin par ailleurs d'évoquer efficacement le passé de chacun pour expliquer leurs réactions. Ce n'est pourtant jamais lourd, le subtil jeu entre couleurs et noir et blanc, l'audace de nombreux plans et la musique aussi entraînante qu'impossible à oublier maintenant toujours l'oeuvre à un niveau élevé. Au final, c'est un film à la fois sophistiqué et très simple, qui en dit beaucoup sur l'amour dans ce qu'il a de plus beau, de plus pur, mais aussi sur ses aléas, ses maux... Une magnifique expérience doublée d'une jolie réflexion sur le cinéma : Jean-Louis et Anouk, un homme et une femme que nous ne sommes pas près d'oublier...
Seconde critique (7/10) :
Vu il y a huit ans, je gardais un souvenir ému de ce standard parmi les standards du cinéma français, dont le revisionnage s'est avéré un peu moins probant, tout en restant souvent touchant. On trouve déjà ce côté légèrement prétentieux de Claude Lelouch, persuadé du talent exceptionnel de son écriture et de sa mise en scène. Cela amène quelques scènes un peu longuettes, le récit manquant parfois de densité, l'utilisation intempestive de la musique à la moindre occasion mettant à mal l'intimité voulue par le réalisateur. Il n'est toutefois pas interdit d'être sensible à tous ces trémolos signés Pierre Barouh, certes assez neuneus mais toutefois bien jolis si l'on en accepte la teneur.
C'est le genre de films sur lequel à peu près tout a déjà été écrit, je ne vais donc pas vous apprendre qu'il s'agit aussi bien d'une histoire d'amour qu'une réflexion sur la difficulté de se reconstruire (surtout sentimentalement) après
la perte de l'être aimé.
Quelques belles scènes, des échanges parfois touchants (je pense à celui sur le « sérieux » du cinéma, mais pas seulement), une chouette évocation des courses automobiles de l'époque ou encore cette poignée de
« voix off » exprimant les pensées de
Jean-Louis Trintignant (excellent, auquel la douceur d'Anouk Aimée répond avec beaucoup de sensibilité) et sa « stratégie » de séduction étant de très jolis moments.
Enfin, à défaut de leur trouver une réelle « logique », cette alternance d'images
couleur - noir et blanc - sépia
donne à l'œuvre une dimension intemporelle, la narration légèrement déconstruite permettant une balade souvent délicate. Le charme d'une époque, que certains trouveront désuet, mais à l'image de cette ultime scène mythique sur le quai de gare, il y a un vent d'éternité soufflant sur cette œuvre justifiant, en partie, son statut si particulier pour les amateurs de septième art.