J’ai jeté un œil sur la photo de Grandrieux récemment, et tout ce que j’y ai trouvé, ce sont des déchets mal éclairés et mal photographiés, jonchant la rive d’un lac dans le parc municipal. Pour quelqu’un présenté comme l’anti-Griffith, je m’attendais à plus qu’une définition cinématographique digne d’un stagiaire en BTS (texture ! texture ! Mais aucune composition, surtout !). Le gros plan devrait être un outil puissant, mais filmer absolument tout ce qui est flou et obscurci semble impressionner ceux qui pensent que le langage cinématographique commence et se termine là.
Et ce ne sont que des critiques sur la forme. Si l’on parle de fond, c’est encore plus creux — comparé à un Brakhage, qui extrait le métatextuel dès le stade embryonnaire d’une simple composition, Grandrieux ne fait que superposer des textures sans jamais percer la réalité. Une méandre nihiliste qui se réduit au ruissellement encore plus étroitement que son “Sombre” de l’iceberg trauma du cinéma “edgy”. Là où Benning filme sereinement 13 lacs, Grandrieux peine à trouver une symbolique pour un seul.
Plus je creuse, plus je constate que les meilleures images restent, et de loin, celles de l’ère du muet. Sur la base purement formelle, cette période reste inégalée, avec une diversité de styles déjà réalisés. Le royaume du silence est le seul qui ait réussi à donner au médium un véritable sens. Il n’y a ici ni impact, ni force, ni dynamisme, ni énergie qui ne soient centrés sur autre chose que l’effet d’impression. On le voit même dans Apocalypse Now, qui pourtant brise ses mêmes préceptes structuralistes, le nouvel Hollywood, ect.
Flouter chaque cadre ne demande aucune habileté ; c’est une imitation superficielle de l’expressionnisme abstrait. L’image animée n’a pas pour vocation de simuler un œil ou de « voir avec vos yeux ». Ces réalisateurs font l’éloge de Vertov, mais ne lisent même pas ses écrits les plus simples.
Tout cela démontre que, pour eux, ce qui compte, c’est un montage lent, chaque plan en gros plan, de longues prises de vue et de beaux paysages qui IMPRESSIONNENT en premier lieu. Et voilà, cinéfugue.
L’aspect le plus vital du cinéma réside dans l’implantation psychologique d’idées abstraites. Ne pas essayer à tout point d'ÊTRE abstrait, essayer d'ÊTRE poésie, mais percer la réalité, et se rapprocher de quelque chose de plus proche qui est l'entre-deux, l'entre-deux du montage, ce qui ne se voit PAS et les réactions qui sont un contrepoint à nos idées préconçues. Selon les mots de Griffith, « quelque chose qui éloigne les masses du monde ennuyeux et les amène à penser à leur insu».