Un parfait inconnu ne s'adresse évidemment pas aux fans transis de Bob Dylan qui relèveront sans effort les raccourcis et les inexactitudes de ce qui n'est pas un véritable biopic, puisque ne s'intéressant qu'aux premières années d'artiste du futur Prix Nobel. C'est le portrait d'une époque, aussi, au sein du petit monde de la musique Folk, plutôt conservateur, avec un jeune rebelle, tellement doué et si difficile à cerner, entre révolte et ambition, notamment celle de ne pas réduire son inspiration à un seul registre. James Mangold n'est pas de la race des grands réalisateurs, on ne le découvre pas aujourd'hui, mais il a ici l'habileté de laisser la plus grande place aux concerts où Timothée Chalamet se révèle ébouriffant en chanteur habité et rageur, interprétant lui-même les Blowin' in the Wind, Like a Rolling Stone ou surtout The Times they are A-Changing. Oui, les temps changent alors dans la musique américaine, grâce à lui, avec l'irruption de ce génie, trop facilement qualifié de Rimbaldien, et que le film rend guère sympathique, ce qu'il était certainement le cas, en particulier dans ses aventures sentimentales (Monica Barbaro est également magnifique en Joan Baez). Plus que sa personnalité, qui reste opaque et ce n'est pas un reproche, ce sont les regards des autres qui disent éloquemment la stupeur devant ce phénomène dont on dirait de nos jours qu'il a été disruptif. Le film, en tous cas, donne envie de (ré)écouter tous les albums de Robert Zimmerman, en s'attachant autant à ses paroles qu'à sa musique. Avant que Dylan n'aille frapper à la porte du paradis.