Que demande-t-on à un biopic ? D’insuffler de la vie à ce qui serait un simple documentaire ? D’éclairer la personnalité des sujets qu’un documentaire ne fouillera pas assez ? Peut-être un peu des deux et ce que réussit James Mangold avec ce « parfait inconnu ». Tout le monde connait Bob Dylan. Certains d’entre nous sont peut-être capables de fredonner une ou deux chansons grâce à Hugues Aufray, qui l’a rencontré à New York alors que Dylan était un parfait inconnu et qui a adapté ses chansons dans notre langue. Les septuagénaires et au-delà, qui ont vécu le début des années soixante, se souviendront avec nostalgie de l’époque où les chansons avaient un texte subtil et foncièrement engagé pour faire changer le monde. Aujourd’hui Dylan serait un rappeur dont les textes pousseraient un cri de rage impuissante devant la folie du monde. Ce « parfait inconnu » nous fait replonger dans les années soixante au moment où la musique folk américaine opère un tournant majeur en s’éloignant d’une musique acoustique issue du folklore pour se mélanger avec le rock électrique des Buddy Holly et consorts. James Mangold brosse une galerie de personnages tous réels et authentiques, tels que Pete Seeger, Joan Baez, Johnny Cash et l’immense Woody Guthrie, qui vit ses dernières années dans un hôpital du New Jersey. Le film raconte un Dylan — un parfait inconnu — qui devient vite célèbre. Mangold montre ses amours, ses infidélités et tout ce qui décrit Dylan comme un « parfait connard au talent fou ». Le film est parsemé de bout de chansons qui on fait le tour du monde et aboutiront en 2016 à un prix Nobel de littérature que Dylan, fidèle à lui-même, n’ira pas chercher à Stockholm. Ce biopic serait bien fade sans l’interprétation des acteurs au premier rang desquels Timothée Chalamet, qui devient plus Dylan que Dylan lui-même, c’est-à-dire qu’il évite d’être un sosie pour rester crédible. Il chante plutôt bien et parle comme on parlait à ce moment-là. Monica Barbaro en Joan Baez, Edward Norton en Pete Seeger et Boyd Holbrook en Johnny Cash sont impressionnants de justesse. Si vous ne connaissez pas Dylan, courez voir ce film et si vous le connaissez, laissez-vous emporter par la poésie de « the girl from the north country ».

SaintPol
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le 7 févr. 2025

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