La perspective d’un film historique, a fortiori sur la Révolution française, qui sortirait un peu de l’ordinaire est si attrayante qu’à certains frémissements qui affleurent de ci de là dans le long, oh si long, métrage de Schoeller, on en viendrait presque à regretter l’ampleur du désastre pour se mettre à rêver de ce qu’il aurait pu en faire, si seulement il avait un peu mis le holà à ses ambitions démesurées. Mais avec des si, on mettrait le Paris des sans-culottes en bouteille !
Comment imaginer que même en réduisant l’action aux trois ans et demi qui courent de la prise de la Bastille à la décapitation de Louis XVI (heureusement que la Convention vote finalement la mort du roi, sinon le film durait 6 heures !), on peut humainement, et sérieusement, traiter tout à la fois du désespoir d’un peuple, de sa fougue à mettre à bas l’ordre ancien, de ses peurs devant l’inconnu, du difficile apprentissage de la démocratie et de la liberté, de la fuite à Varennes, de la fusillade du Champs de Mars, de la journée du 10 août 92, du procès de Louis XVI ? A force de ne rien choisir, et de vouloir présenter avec objectivité un tel déferlement d’événements sans jamais adopter un point de vue fixe, c’est tout le film qui se prend les pieds dans le tapis. Et à force de vouloir tout dire, tout évoquer, aussi bien de l’extérieur - les faits - que de l’intérieur - les ressentis - il n’en résulte qu’un magma d’intentions qui pour être louables n’en sont pas plus convaincantes ou efficaces. Les aspects historiques se noient dans la masse, et le « menu peuple » se mue en pantins instrumentalisés par une bonne volonté patente mais maladroite, là où le courage de ne choisir qu’un seul de tous ces épisodes aurait pu avec nettement plus de force représenter le tout par la partie.
Alors bien sûr, quand on sent que l’eau prend de toute part, il est facile d’aller piocher deux phrases « historiques » de Robespierre ou de Marat (après tout ce sont encore eux les meilleurs dialoguistes). Il est tentant de faire fredonner les foules façon La La Lande (c’est plat et ça chante). Il est imparable de tomber dans les facilités de l’esthétisme léché ou du symbolisme primaire (une image ayant toujours l’avantage de reporter la faute sur celui qui l ‘interprèterait mal). Reste qu’au bout de ce beau gâchis en forme de dramatique télé des années soixante, un seul constat s’impose que l'on savait déjà sans cette énième illustration désespérante : il est aussi difficile de réussir un film audacieux qu’une révolution.