Vu aujourd’hui, Un Shérif à New-York est un petit film sympathique, qui ne manque pas d’humour, de situations intéressantes mais qui est rempli de maladresses et dont le rythme incertain empêche d’emporter tout à fait l’adhésion. Ce jugement à l’emporte-pièce un peu rude oublie de rappeler que, tourné en 1967, il annonce un ultime virage dans la carrière de Don Siegel (qui enchainera quelques perles) et lance la carrière américaine de Clint Eastwood après sa trilogie du dollar.
Il y interprète un homme de loi aux méthodes westerniennes propulsé dans un univers urbain désœuvré où il peine à s’adapter (ce qui est un thème alors plutôt novateur). A grands traits, c’est un des personnages cinématographiques de Clint Eastwood qui est ébauché ici. Sûr de lui, expéditif, presque asocial, il trimballe sa longue carcasse tout au long de ce film au scénario mal fagoté pour un polar mais parfait pour esquisser un nouvel archétype. Cet archétype sera bien sûr finalisé avec le personnage de Harry Callahan trois ans plus tard mais on trouve déjà ici de nombreuses similitudes. Coogan est certes plus dragueur, moins malin, moins dangereux et efficace aussi, mais il est tout aussi intéressant, et c’est ce qui fait l’intérêt majeur de ce film qui est un film de personnages (avec de savoureuses oppositions).
Si l’ensemble peut paraître un peu dépassé aujourd’hui et s’il manque quelques punchlines plus nombreuses, le film marque par sa cohérence, son unité et la qualité de ses personnages. L’intrigue est vraiment secondaire et on s’en désintéresse, au final, aussi vite que le réalisateur. L’affrontement final, s’il manque de violence, reste appréciable et participe au plaisir qu’on peut prendre à ce film qui, s’il a sa propre identité, annonce, à bien des égards, le Clint Eastwood monolithique, mauvais coucheur mais bigrement efficace dans une société moderne rongée par la bureaucratie qu’il interprétera à de nombreuses reprises.