Excellente idée sur le papier, la confrontation Gabin – Belmondo accouche d’un film franchement décevant.
En roues libres, nos deux « monstres sacrés » se contentent d’endosser les costumes qu’on attend d’eux : le vieil homme bourru et le jeune insouciant plein de fougue. On assiste ainsi aux numéros de deux cabotins sympathiques (Gabin fait du Gabin, Belmondo fait déjà du Belmondo) mais sans qu’aucun ne parvienne jamais à transcender le texte d’Audiard et à créer un personnage fort et original. Seul Noël Roquevert tire son épingle du jeu, apportant toute la fantaisie et l’énergie qu’on pouvait attendre d’un tel film.
Malheureusement, la réalisation de Verneuil est d’une platitude confondante. Dès les premières séquences, on est surpris par la paresse de la mise en scène, notamment dans le montage (raté) qui alterne archives de guerre et fuite des deux compères ivres sous les bombardements. Le reste est à l’avenant, artificiel, convenu et sans rythme. On est pas loin du théâtre filmé.
Bien sûr, il reste les dialogues d’Audiard. Les « punchlines » fusent, c’est jouissif et irrévérencieux, surtout dans le premier tiers. Puis le film s’installe dans un faux rythme ou le duo Gabin – Belmondo finit par lasser. On passe d’une scène à une autre de manière très scolaire en se demandant quelle sera la prochaine saillie verbale, puis elle arrive, on peut passer à la suivante. Cette absence de vivacité et d’invention dans la réalisation (mais aussi le scénario) torpille le texte, l'histoire et le jeu des acteurs.
Quant à l’ode à la vie et à la déraison, elle s’exprime à travers un hommage primaire aux vapeurs d’alcool et à l’amitié virile exclusive (Ha ! le bon vieux temps des légionnaires !). Les femmes, forcément, ne sont que des briseuses de rêves, des traitres ou des putes. Quant à la lâcheté des hommes, elle ne peut être que sympathique et joviale... Cette vision rétrograde du monde, si elle n’a rien de surprenante pour l’époque, n’en reste pas moins franchement lourdingue !