L'hôtelier d'une petite station balnéaire de Normandie a juré à sa femme de ne plus toucher à un verre d'alcool après un bombardement en 1944. C'était sans compter sur l'arrivée de Fouquet 15 ans plus tard.
La première chose qui nous frappe quand on s’intéresse à ce long-métrage, c’est le nombre de grands noms placardés sur l’affiche. On a donc Henri Verneuil à la réalisation, qui après sa consécration internationale avec La vache et le prisonnier, passe un contrat avec la MGM pour 3 films dont un singe en hiver. Côté casting, on a un duo extraordinaire avec Jean Gabin et Jean-Paul Belmondo. Le tout sublimé par la plume de Michel Audiard.
En parlant d’Audiard, comment ne pas exprimer ma joie en écoutant les dialogues absolument cultes qui parsèment le film. C’est simple, je pense que je n’ai jamais rien vu d’aussi bien dans le genre. Rien que toute l’intro où Jean Gabin nous parle du lac Yang-Tse-Kiang est à mourir de rire. Et par miracle, tout le film est du même niveau.
"Les gastronomes disent que c’est une maison de passe et les vicelards un restaurant chinois."
"Si la connerie n'est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille !"
"Vous avez le vin petit et la cuite mesquine, dans le fond vous méritez pas de boire."
Le film, qui adapte le roman d’Antoine Blondin, tourne quasi entièrement sur l’alcool. Il faut dire que ce Blondin avait un sérieux penchant pour ce genre de boisson de ce que j’ai lu sur lui. C’est donc un film sur l’alcoolisme, plus précisément sur l’échappatoire que cela procure en tant que solution suite à un traumatisme.
Empreint de nostalgie, l’ivresse est le parfait remède pour nos deux gaillards afin de se replonger dans leurs passés « glorieux », loin de leurs nouvelles vies ordinaires.
Malheureusement pour nos deux héros, si les nuits d’aventures (en Chine ou en Espagne) exaucent les vœux grâce à la gnôle, les réveils sont souvent désastreux…
Mais j’ai beaucoup d’affection pour ses 2 être dont l’esprit est torturé. L’un ne semble plus vivre après avoir fait tant de sacrifice tandis que l’autre espère être un bon père pour sa fille. Si tous deux boitillent, ils restent néanmoins debout, malgré les commérages de leurs concitoyens. D’où ma tendresse à leurs égards.
Niveau mise en scène, la caméra de Verneuil n’est pas reste. Il y a qu’à voir la splendide ouverture avec ce bombardement. On trouve également d’autres bonnes trouvailles visuels tout au long du film comme le feu d’artifice. Le tout est accompagné par la musique de Michel Magne en utilisant des notes chinoises ou hispaniques selon ce que dicte le cœur de nos amis. Un pur régal.
Que ce soit pour le tandem Gabin / Bébél, les dialogues hyper inspirés d’Audiard ou également ses personnages secondaires attachant, le film de Verneuil est un classique du cinéma français et clairement l’un de mes préférés.
Ce singe en hiver est donc un grand cru des années 60, à la frontière entre le cinéma plus classique et la Nouvelle vague (qu’on peut mettre en parallèle avec le duo Gabin / Belmondo, l’un étant une gloire de cinéma français classique quand l’autre est l’égérie de cette Nouvelle vague).
Pour finir, j’ai juste envie de dire un mot : merde.
Merde à tous ces gens à l’esprit trop étroit pour vivre une grande aventure et qui te juge quand tu décides de vivre la tienne. Car moi aussi, j’aimerais un jour trouver mon Yang-Tse-Kiang à moi…