Apologie de l'ivresse, que l'auteur (Albert Blondin ou Audiard?) distingue évidemment de l'alcoolisme (et des "cuites mesquines" comme le dit Gabin dans le film), "Un singe en hiver" marque la rencontre dans un village normand pluvieux entre un jeune voyageur et un vieil hôtelier. On attend le moment où le premier entrainera le second, buveur repenti, dans ses saouleries.
Rêves de triomphe tauromachique pour l'un, aventures sur le Yang Tsé Kiang pour l'autre, Fouquet et Albert n'ont pas l'ivresse médiocre en effet, et Michel Audiard s'en donne à coeur-joie dans le délire aviné tout en délivrant quelques aphorismes sur l'art d'être ivre.
Le film aurait pu n'être qu'un concours de cabotinage entre Gabin et Belmondo. Henri Verneuil évite cet écueil, esquissant deux portraits assez justes, celui d'un homme vieillissant qui boit pour tromper son ennui, celui d'un jeune homme qui se saoule pour oublier ses problèmes. Verneuil est habile à exprimer la relation entre leurs rêveries alcoolisées et la grisaille de leur existence. De sorte que la comédie n'est pas sans quelques touches d'amertume. A cet égard, le couple de vieux provinciaux tranquilles que forment Jean Gabin, dont on devine bien ce que lui coûte l'abstinence, et Suzanne Flon, inquiète de la relation entre son mari et Fouquet, fonctionne de façon convaincante.