Sont-ce réellement les liens du sang qui font une véritable famille ? Une véritable famille aimante, avec des membres qui s'apprécient les uns les autres, chacun voulant apporter le meilleur à l'autre, et qu'importe que les liens du sang ne soient pas là ? Vous avez quatre heures... ou plutôt, non, vous avez deux heures... les deux heures de ce long-métrage.
Dans ce dernier, récompensé de la Palme d'or, Hirokazu Kore-eda réalise ce qu'il fait de mieux, à savoir ne pas cacher l'affection profonde qu'il éprouve pour ses personnages et évoquer l'enfance. Affection qui est contagieuse, car elle atteint le spectateur. Avec de véritables moments d'humanité, très typiques de la filmo du Monsieur, à l'instar de la séquence de la plage.
Ce n'est pas pour autant qu'Une affaire de famille est doux et inoffensif. Très loin de là. Il n'est guère étonnant que le triomphe cannois de l'œuvre ait embarrassé le gouvernement japonais. La société nippone s'en prend sérieusement plein la gueule, en ce qui concerne l'enfance (je vais revenir sur ce point plus loin !), mais aussi pour la manière dont elle essaye de foutre sous le tapis les laissés pour compte, les marginaux, au quotidien parfois sordide, pour sauvegarder les apparences.
Mais, attention, cela ne veut pas dire que le tout est bêtement naïf, que tout est lumineux parmi nos protagonistes, qu'ils sont parfaits et lisses, qu'il n'y a que les autres à avoir leur part trouble. Non, car, plus on avance dans le film, plus les révélations et les actes terribles se pointent. On n'arrive pas à les détester, on persiste à y rester attaché, mais le malaise est là (et le malaise est là aussi parce qu'on n'arrive pas à les détester !). Malaise qui ressort de ce qui s'appelle complexité.
Le regard de Kore-eda est celui de quelqu'un qui veut aimer son prochain, qu'il l'aime, mais qui est très réaliste, donc juste.
Quant à la fin, en ce qui concerne la gamine,
j'aurais bien voulu me dire "voyons, un pays un tant soit peu normal n'irait jamais renvoyer un enfant à un parent négligent et abusif. Kore-eda abuse. C'est totalement invraisemblable !". Mais, comme c'est plus que crédible, on pourrait essayer de s'illusionner en pensant que c'est typique du Japon. Jamais une démocratie occidentale ne refourguerait un être vulnérable à son bourreau parce qu'elle n'a pas envie de s'en occuper. Euh, non, non et non. Et c'est rageant. Cela arrive partout. Seul très mince lot de consolation dans le cadre du film : au moins, maintenant, la pauvre enfant sait que ce n'est pas normal de se faire maltraiter.
Bref, une œuvre qui touche pour son humanité, par son refus du simplisme et par sa confrontation franche à la réalité. Une palme d'or méritée.