Quel plaisir, quelle extase que ce film.
Le cinéaste japonais Hirokazu KORE-EDA, tel un chroniqueur nous invite dans le quotidien d'une famille qui se révèlera plus que dysfonctionnelle.
Il y a d'abord la figure paternelle, qui ne voit rien d'amoral à apprendre l'art du vol à ses enfants, pour qui la valeur du travail n'est pas vertu cardinale et à qui la fainéantise a donné de réels talents pour vivre de la débrouille, sous tous ses aspects. Un rôle tout en subtilité et roublardise où Lily FRANKY y insuffle l'immaturité adéquate.
La mère ou du moins ce qui s'y apparente, se démarque par sa froideur qui cache en réalité des océans d'amour, mais dans son monde on ne s'épanche pas sur les sentiments, entre pudeur et abnégation. Pourtant on s'apercevra très vite qu'en plus de porter la culotte, elle n'est pas étrangère aux choix dont les conséquences nous serons révélées au déroulé du film, d'une façon à la fois intelligente dans sa narration et maîtrisée dans sa mise en scène.
Les enfants, la fille aînée qui travaille comme hôtesse dans des peep show ou des salons privés, le jeune fils qui suit depuis toujours son père dans ses rapines et surpasse même ce dernier dans l'art de l'escamotage et enfin la petite dernière, celle qui sera au coeur de cette fresque qui à l'image d'une série documentaire comme "streep tease", s'attache à montrer le quotidien extraordinaires de gens ordinaires sans relier cela à une lutte des classes, ici on filme la pauvreté parce que la famille que l'on suit est pauvre et les choix discutables qu'ils font doivent être discutés selon l'aspect moral, l'aspect sociétal ou d'autres mais en aucun cas comme étant la résultante d'une situation sociale difficile. Le film nous dit frontalement que le déterminisme social n'est pas une fin en soi.
Il y a enfin, la grand-mère, dite la vieille, qui fantasque mais très consciente, cimente le tout. Aussi retorse que les autres mais plus sage, elle est celle par qui l'on comprendra que si tant d'amour transpire entre les membres de cette famille atypique à un point que vous n'imaginerez pas sans avoir vu le film, c'est que c'est une famille choisie.
Tous ces personnages évoluent dans leur quotidien misérable et sans réel ambition, à l'affût du petit coup qui mettra un peu de jus dans l'eau des nouilles, des as de la débrouille, des marginaux. Nous sommes dans une veine moins trash et moins provocante dans le même travail des personnages que dans Affreux, sales et méchants (1976), le premier dans un esprit "hara-kiri" celui-ci plus "télérama".
La chute interviendra suite à un accident, nous offrant en guise de prise de conscience, avec des accents humanistes, des portraits à la Zola absolument bouleversants.
J'ai depuis longtemps pas été à ce point ému et touché par un film.