Il existe une série, que je n'ai pas vue, qui se déroule je crois au Parlement européen.
Voici un film qui traite de la Commission, du Parlement, et d'une directive. Et de l'OLAF. Rien à voir avec celui-ci.
Évidemment il y a de fortes chances que cet univers institutionnel ne parle pas à tout le monde ; c'est pourquoi durant les premières minutes du film, les personnages ont l'air de promener un panonceau explicatif sur le rôle des acteurs de la politique européenne, qui fait la part belle, comme on le sent tout de suite, à la technocratie.
Or un homme résiste encore et toujours à cette dernière : avec sa moustache en guidon de vélo, on reconnaît José Bové, version Bouli Lanners — donc un peu plus rondouillard, mais peu importe, il est très bien dans le rôle du type obstiné, les pieds sur terre, comme on peut s'y attendre après tout de la part d'un paysan.
À ses côtés, dans un rôle tout sauf comique, Thomas VDB, qui joue son assistant, et Clémence (Céleste Brunnquell, parfaite), la stagiaire idéaliste.
Peut-on mettre au jour une sombre affaire de directive anti-tabac torpillée dans des circonstances mystérieuses, sans se heurter rapidement à des obstacles infranchissables ? Bové — consultant pour le scénario, semble-t-il, enfin le vrai Bové — estime agir pour le principe (d'où le titre), jusqu'à ce que Clémence — qui n'en fait guère montre, ni à son endroit quand elle estime qu'il ne va pas assez loin, ni envers les instigateurs des magouilles — lui apporte sur un plateau des éléments plus troublants : les Big Four du tabac, Philip Morris, Japan Tobacco, Seita, British American Tobacco auraient passé un accord secret avec la Commission, plusieurs années avant les faits.
Je spoile parce qu'il y a toutes les chances que l'histoire soit vraie sur ce point en particulier : pour ne pas risquer d'être condamnés par la justice européenne, comme ils ont pu l'être aux États-Unis, ils concluent un accord secret, inaccessible même aux parlementaires (un settlement) avec la Commission, prévoyant des versements de somme très importantes contre l'arrêt de la procédure.
L'affaire de principe, c'est de mettre en cause l'omerta qui règne autour de ce dossier, que rend manifeste le torpillage de la directive, et tant pis si, comme cela remonte jusqu'au président de la Commission d'alors, José Manuel Barroso, tant pis si les accusations de populisme tombent comme à Gravelotte sur Bové.
À l'arrivée, la directive qui a instauré notre actuel paquet neutre, orné de photos répugnantes de victimes de maladies liées au tabac, aura un grand impact pour dissuader le tabagisme chez les moins de 15 ans.
Car ceux qui, comme moi, ont touché leurs premières clopes avant cet âge-là, seront les plus à risque de demeurer accroc toute leur vie.
Ah oui, je n'ai pas parlé du snus. Eh bien je vous laisse découvrir la nature et le rôle dans l'intrigue de cette version nordique du tabac.
In fine, on a un film plutôt bien fait, bien interprété, bien mené, qui ne fera peut-être pas un tabac (ah ah ah) mais mérite tout à fait le détour. Il faut noter que le réalisateur se garde bien de tenir un propos moralisateur — mentir c'est mal, le tabac c'est mal — et que le propos est assez équilibré.
En ces temps où les polémiques sur le rôle des lobbies auprès des parlementaires européens resurgissent (et où se profilent les élections européennes, cette critique est du 10 mai 2024), avoir la curiosité de voir ce film semblera peut-être salutaire.